«La comparaison abattoirs/Auschwitz: est-elle juste, est-elle opportune?»

David Olivier

La conférence a eu lieu le dimanche 3 août au matin. Elle a fait l'objet d'un enregistrement audio.

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Résumé par l'auteur

Depuis quelques temps, la comparaison entre le traitement infligé aux animaux élevés et mangés, et celui que subirent les juifs au cours de la Shoah, a été «osée» publiquement aux États-Unis, à travers en particulier:

  • la sortie en 2002 du livre "Eternal Treblinka" de Charles Patterson (cf. http://www.powerfulbook.com/);
  • le numéro de mars-avril 2002 de la revue The Animals' Agenda portant sur le thème (cf. l'article en http://www.adl.org/Anti_semitism/holocaust_imagery.asp);
  • la campagne de PETA «The Holocaust on Your Plate» (cf. http://www.masskilling.com/), qui comporte une exposition itinérante mettant côte à côte des photos de victimes de l'Holocauste et de victimes de l'exploitation animale, ainsi qu'un spot télévisé.

En réalité, cette comparaison est depuis longtemps présente à l'exprit de nombreux militant-e-s pour les animaux, à qui elle semble évidente, mais difficile à mettre en avant en raison de la violence des réactions qu'elle suscite. À l'inverse, elle est souvent brandie comme un reproche par le camp d'en face, comme une conséquence - absurde et scandaleuse à leurs yeux - des thèses végétariennes et antispécistes.

Elle est aussi, depuis l'Holocauste lui-même, faite constamment en sens inverse: les juifs furent traités «comme des animaux», transportés en wagons à bestiaux, etc. Banale dans un sens, scandaleuse dans l'autre.

La campagne de PETA a suscité aux États-Unis un torrent de protestations indignées. Il y a eu aussi des réactions de soutien, mais qui sont restées nettement minoritaires, à en juger par ce que l'on trouve sur le Web. J'ai néanmoins l'impression que quelque part un tabou est brisé, et que c'est une bonne chose.

Dans l'appréciation à porter sur cette comparaison, je tiens à distinguer deux niveaux: est-elle juste? et, si elle est juste, est-elle opportune?

  • La comparaison serait non juste si le sort infligé aux animaux n'était pas réellement semblable à celui qui fut infligé aux juifs; ou si, bien que semblable, sa gravité morale était incomparablement moindre (parce qu'une souffrance non humaine serait d'une importance morale incomparablement moindre qu'une souffrance équivalente humaine).
  • Mais en supposant la comparaison juste, elle pourrait encore être inopportune, c'est-à-dire contre-productive en raison des réactions d'indignation qu'elle suscite, ou pour d'autres raisons.

J'ai le sentiment que souvent, les militants pro-animaux, effrayés par les réactions négatives à l'encontre de cette comparaison, la rejettent comme inopportune, et ne savent plus eux-mêmes s'ils la trouvent juste ou non. Mon avis personnel est que nous devons d'abord nous rendre compte du fait qu'elle est juste; et que dès lors, il devient difficilement défendable de la rejeter comme inopportune.

Je voudrais présenter rapidement mon point de vue sur le sujet, et quelques documents (clip de PETA, traduction de son argumentaire en http://www.masskilling.com/analogy.html...). Je pense que la question est complexe. La comparaison ne peut-elle pas réellement être, pour certaines personnes, l'occasion d'exprimer un antisémitisme plus ou moins conscient? Se pose aussi la question du pourquoi de n'importe quelle comparaison - un des reproches faits à la campagne de PETA par des personnes pro-animaux est que la condamnation du traitement des animaux n'a pas besoin de comparaisons pour être fondée.

Je voudrais que l'on puisse débattre sereinement de cette question, sans consensus obligé, ni mépris pour les positions différentes.

David Olivier