«La libération animale: quelles stratégies?»

Vendredi 21 août après-midi

Discussion collective introduite par Dominique Joron

Présentation

S'interroger sur le devenir de la lutte, dans quel sens la diriger afin d'obtenir des résultats à la hauteur de nos espérances semble un axe primordial. Des pistes ne sont pas forcément exploitées comme elles le devraient. Terrassé par des actions quasi quotidiennes, on ne prend pas toujours le temps de la réflexion.

En amont de ces Estivales deux propositions majeures ont fusé. La première émane de David Chauvet (de l'association Droits des Animaux) consistant en la création d'une fédération animaliste un peu à l'image de la Fédération France Nature Environnement (FNE), qui regroupe des milliers d'associations de défense de la nature. La seconde, de moi, qui consisterait à mieux politiser la lutte pour la libération animale notamment par la création d'un parti politique spécifique.

Une fédération animaliste (prop. David Chauvet)

Il pourrait être très profitable que nos associations se regroupent en une superstructure qui formaliserait, en quelque sorte, le réseau que nous constituons déjà plus ou moins de fait mais qui reste assez éparpillé. Nos adversaires sont d'ores et déjà organisés de cette façon (voir en particulier les chasseurs avec la fédération d'origine pétainiste FNC), ce qui leur confère l'efficacité qu'on connait, malgré une argumentation très pauvre et malhonnête. Eux, qui sont moins représentatifs du peuple que nous, arrivent davantage à se faire entendre ! Rappelons qu'ils sont moins nombreux que les végétariens, or les gens qui défendent les animaux sans avoir changé eux-mêmes leurs habitudes alimentaires sont considérablement plus nombreux en France !

Mais, en tant qu'associations et collectifs, notre efficacité se cantonne actuellement à une visibilité médiatique (ce qui est très important, primordial même, pour l'évolution des mentalités), sans autre effet : nous ne pesons pas sur le réel. Un moment viendra où cela ne suffira plus, et devant l'absence d'avancées, les plus motivés finiront peut-être par se décourager. Aucune association, seule, ne peut espérer ne serait-ce que réformer à peine le système. Il n'y a qu'à voir l'absence de résultat significatif des plus grands groupes, qui pourtant avalent toutes les couleuvres du monde, voire servent de cautions sociale et morale à nos adversaires lors de pseudo-négociations gouvernementales (voir, à titre d'exemples récents, les rencontres « Animal et société », ou encore la loi Poniatowski).

Chaque asso pourrait garder ses spécificités, tant que resterait un socle minimal acceptable pour tous. L'idée serait d'y aller progressivement, commencer par des communiqués de presse, puis des petites manifs, des demandes adressées au gouvernement... Des ressources financières communes y seraient affectées, à proportion des moyens de chaque groupe. De même chaque groupe serait représenté (selon des modalités à définir) pour des votes quant aux dossiers à traiter prioritairement.

Création d'un parti politique antispéciste (prop. Dominique Joron)

Pour faciliter la compréhension, je mets sur une même ligne l'antispécisme, la libération animale, l'égalité animale, le droits des animaux et le veganisme même s'il existe sans doute des différences.

Tout d'abord, j'entends bien le texte « L'animal est politique » d'Agnese Pignataro et notre action est éminemment politique, même si certains se défendent de ne pas faire de politique ou encore de ne pas vouloir se « mêler » aux partis politiques par crainte de récupération. C'est quand même, en l'état actuel de nos démocraties, un moyen pertinent que les chasseurs et les écologistes ont bien compris pour se faire entendre.

N'oublions pas que malgré tout (même si on peut m'objecter des réserves que je reçois bien volontiers) c'est par le parlement européen et par le parlement français que des lois sont votées (je fais simple pour ne pas entrer dans un autre débat puisque c'est plutôt le gouvernement qui a les pleins pouvoirs en ce moment). Comme le souligne, à juste titre, David Chauvet, force est de constater l'absence de résultat significatif malgré les actions de sensibilisation, les actions médiatiques, l'homme politique reste sourd à nos attentes. Pour ne pas écrire qu'il se fout de nous !

Il existe certes quelques partis politiques qui proposent un programme en faveur des animaux. Mais ces derniers ne répondent pas forcément à des attentes que l'on peut avoir sur d'autres points - il ne s'agit pas d'une remise en cause du libéralisme / capitalisme mais de tenter de lui donner un visage un peu plus humain, sans parler de certaines positions rétrogrades voir même fascisantes (comme le souhait de ne pas accorder de droit à l'adoption d'enfants pour des couples homosexuels). Et il me semble que le libéralisme, sauvage ou pas, ne peut être un terrain favorable pour la libération animale puisque c'est un système basé sur le profit et l'exploitation. Enfin, s'il faut reconnaître à ces partis politiques le courage de proposer un programme en faveur des animaux, on constate qu'ils restent centrés sur des notions de « bien être animal » et qu'ils ont quand même une vision utilitariste de l'animal. Aucun n'aborde la question de l'abolition de la viande par exemple.

D'un autre côté, un groupe de travail « animaliste » s'est constitué au sein du NPA visant à faire des propositions concrètes lors du prochain congrès national. A priori, si tel est le cas, la création d'un parti antispéciste ne semble pas forcément superflue puisque j'ai cerné des réticences de la part de militants antispécistes de répondre à l'appel d'Agnese Pignataro en décembre 2008 pour soutenir un amendement radical et abolitionniste pour les animaux au congrès fondateur du NPA.

D'un autre côté, je pense que nous pouvons être une force de pression peut-être pas si négligeable que cela, que nous avons une certaine cohérence – je citerais notamment les Hallmarks qui revendiquent bien la convergence des luttes contre toutes les discriminations et pour le refus de l'exploitation sous toutes ses formes (humaines et animales).

Il s'agit aujourd'hui d'une forme de reconnaissance autour d'idées communes qui pourrait soit servir de base à la création d'une fédération souhaitée par David Chauvet, ou bien encore de terreau à la création d'un parti politique antispéciste dans lequel nous pourrions nous reconnaître et qui serait à terme capable de porter notre message radical sur ledevant de la scène politique.

Compte-rendu

Après la lecture par Dominique Joron d'un texte introductif, la discussion s'est engagée autour des points suivants.

1/ Concernant l'idée d'un parti politique pro-animaux :

- Voter pour un parti qui parle des animaux nécessite que ses opinions politiques se défendent sur leurs propres bases. Si un parti de droite fait quelque chose pour les animaux, ce serait une bonne chose, même si on n'a pas forcément envie de travailler avec eux.
- On a le choix de rejoindre un parti existant, on peut aussi en créer un.
- Quand on distribue des tracts au nom d'un parti, on peut être moins crédible.
- S'organiser en tant que parti peut être un moyen de contourner la répression policière dont sont victimes les activistes.
- Un parti politique ne peut pas couvrir toutes les questions concernant les animaux en plus des questions économiques, de politique internationale, etc.

2/ Concernant l'idée d'une fédération :

- Une fédération rassemble dans un parti idéal des associations qui ont des idées différentes.
- Ça peut être source de désinvestissement et ne présenter aucun intérêt.
- On peut s'inspirer de l'expérience des activistes anti-corrida. Si la FLAC, fédération d'association de lutte contre la corrida, met très longtemps pour prendre des décisions, c'est parce que c'est difficile de trouver des consensus quand on est nombreux.
- Il peut être intéressant par contre de se fédérer autour de projets précis, ponctuels ou sur la durée, pour une revendication particulière, par exemple. C'est une façon de travailler ensemble qui a plus de chances de marcher que la création d'une fédération, qui risque plus, paradoxalement, de nous "désunir" (à cause de désaccords, des enjeux de pouvoir, etc.).
- Il est important d'avoir des campagnes qui touchent l'économie (comme la campagne Escada en Allemagne)
- Un projet intéressant peut viser les informations erronées que les médecins livrent à leurs patients végétariens ou végétaliens. Pour cela, on pourrait :
- Agir auprès des étudiants en médecine (distribuer des tracts à la fac)
- Écrire individuellement aux médecins pour exiger une information médicale fiable.
- Dénoncer le lobby du CIV qui inonde le cabinet des médecins.
- A l'heure actuelle, on fonctionne en réseau. Par exemple, la campagne contre Novotel est lancée par L214 mais est relayée par des groupes locaux.
- On peut créer une radio animaliste sur Internet, comme la radio écolo.
- Une des raisons de la faiblesse du mouvement est qu'on ne se rend pas compte qu'on n'est pas obligés d'être toujours d'accord pour être unis lors d'une action. Certains animalistes pensent qu'il est impossible de travailler avec des gens qui ne s'alignent pas sur leur position idéologique. C'est pour cette raison que les gens viennent si peu nombreux aux Estivales. Les gens ne s'y intéressent pas parce qu'ils souhaiteraient qu'on y dispense un catéchisme, un dogme alors qu'il s'agit d'un échange d'opinions, de savoirs.
- Qui se lancerait dans une démarche de création de fédération ? Il n'est pas nécessaire d'être nombreux (par exemple, la campagne Escada a été lancée par trois ou quatre personnes).
- Une idée : lancer une campagne anti-foie gras, qui serait relayée par tous les collectifs et associations qui le souhaitent.