«Sommes-nous les talibans de la cause animale?» - compte rendu de Sara

David Olivier

07/08/13, 15h (et quelques...)
56 personnes

Notes TRÈS partielles car j'avais une bambine dans les pattes et je suis partie avant la fin du débat, donc complétez votre lecture par la consultation du diaporama.

La religion

Quand on dit qu'on est végétarien pour les animaux ou pour l'abolition du foie gras ou de la corrida, on nous traite d'intégriste ou d'ayatollah.
Hier soir, en réaction à un article à propos des Verts allemands qui proposent un menu végétarien dans les écoles, un monsieur écrit qu'il n'y a pas que les islamistes pour avoir des ayatollahs. En Allemagne un député de droite s'oppose à cette journée sans viande et a fait un montage avec une affiche de propagande nazie ou et associe l'hygiénisme nazi et le logo des Verts.
Le mot « taliban » se réfère à des religieux. On se réfère à la religion pour nous disqualifier.

La religion a un côté tabou à cause des guerres de religion. On dit que c'est une question privée et hors discussion : chacun est libre de penser ce qu'il veut. Je veux être libre de parler de religion. La religion n'est pas une question spéciale. Je pense que les propositions religieuses sont des propositions comme les autres. Pour moi, « Dieu existe ? » est une proposition de la physique.
les religions ont quelque chose de spécial car c'est normal de se demander si la vie a un sens, comment ça se fait que nous existions, elles ont quelque chose à voir avec l'éthique également.

Je parle de la religion car ça a un lien très direct avec la question animale et ça se verra de plus en plus. Aux US, une des principales opposition à la question animale vient du christianisme.

On peut en parler sans haine et sans blasphème.

Une grande partie de ce que je vais exposer est la question des religions orthodoxes. Dans deux religions particulières qui existent dans le monde, deux religions que j'appelle orthodoxes, c'est-à-dire des religions qui font de la croyance un impératif. Ce fait est profondément bizarre, erroné, anormal. On a intégré cela comme quelque chose de normal car on a deux mille ans de christianisme derrière nous. C'est à cause de cette orthodoxie qu'on nous traite de taliban, parce qu'on s'intéresse à la croyance et non pas aux actes. De même manière, des athées veulent exhiber leur non croyance en Dieu. Pour moi, c'est faire de l'orthodoxie en miroir.

Croyance et liberté

Est-on libre de croire ce qu'on veut ? Nous ne sommes pas libre de croire ce que nous voulons.
Les gens disent que si on leur interdit de manger du foie gras c'est comme si on les obligeait à penser comme nous alors qu'on leur interdit simplement une pratique.
Croire, c'est simplement penser qu'une proposition est vraie.

La liberté a deux sens :
1) Ne pas être forcé ou interdire par d'autres gens.
2) Avoir la possibilité de le faire
Personne ne peut m'imposer de croire quelque chose mais moi-même je ne peux pas me forcer à croire quelque chose.
Suis-je libre de penser que 7 n'est pas un nombre premier ? Non, car il y a des vérités mathématiques.
Si je veux savoir s'il est juste de manger les animaux, je regarde les arguments éthiques comme si je voulais savoir si 7369 est un nombre premier, je ferais le calcul.

Personne ne peut m'empêcher de croire quelque chose mais croire n'est pas un acte volontaire. Le fondement de la liberté d'opinion est qu'on ne peut pas punir quelqu'un de croire une chose ou d'être malade.

Il y a trois sortes de raisons de croire une chose importantes à distinguer :
A. Les raisons démonstratives
B. Les raisons causales (ex : les gens adhèrent le plus souvent à la religion de leurs parents)
C. Les raisons prescriptives, parce que c'est dans mon intérêt de croire une chose.
Seules les raisons démonstratives (type A) peuvent s'invoquer à la première personne. Savoir que je crois en Dieu parce que mes parents ne m'ont présenté que des arguments favorables (type B) ou croire qu'il fasse beau parce que je veux aller à la piscine (type C) devrait m'inviter à remettre en cause cette croyance.

Observons le pari de Pascal (1670). Pascal était mathématicien et physicien en plus d'être un fervent catholique, il a essayé d'expliquer des raisons de croire rationnelles. Il admet qu'on n'a pas de raisons démonstratives de croire en Dieu (type A). Mais si nous croyons en Dieu et que nous croyons que Dieu existe, cela nous sera avantageux. Même si c'est une possibilité infime, le gain est plus grand que ce que nous perdons en terme de plaisir pendant notre vie terrestre. En termes cyniques, nous aurions intérêt à croire en Dieu. Mais comment s'amener à croire en Dieu alors que l'examen objectif des données ne prouve pas son existence. La réponse de Pascal : manipulez-vous.

Deux mille ans de devoir-penser

Deux religions orthodoxes

On sera récompensé par le paradis si on croit en Dieu. Mais pourquoi s'offenserait-on de ce que quelqu'un pense du mal de nous, sans nous connaître bien ?

Pourtant, le commandement central de la religion chrétienne est : « tu dois croire ». Quand Jésus marche sur l'eau, les disciples sont étonnés et Jésus appelle Pierre et lui demande de marcher sur l'eau. Comme Pierre a douté, il s'enfonce dans l'eau. Jésus lui dit « Homme de peu de foi. Pourquoi as-tu douté ? »

[…]

On peut se racheter par des actes mais toutes les déclinaisons du christianismes disent que c'est d'abord la foi qui sauve, la croyance est la condition la plus importante du salut. En quoi peut-on dire que quelqu'un a le devoir de croire ? Je ne peux pas décider de croire quelque chose. Je trouve extraordinaire l'idée qu'on puisse gagner le paradis suite à un acte qui n'est pas volontaire.

Le christianisme s'accroche à un point spirituel central : la croyance en Dieu. Puisque n'importait pas les actes, les actes prennent une importance mais uniquement en tant que témoignage de la croyance.

Par exemple, le Quick de Roubaix a décidé de faire un Quick complètement halal. Les gens se sont mis à dire : « on nous impose d'être musulman ». Il n'y a rien dans le christianisme qui dit qu'il ne faut pas manger halal. Manger halal leur enlevait la valeur de témoignage de leur non musulmanité. C'est une obsession de leur profession de foi. Le fait de manger de tout témoigne de ce qu'on n'accorde aucune importance à des choses matérielles et qu'on a compris que « seule la foi sauve ». Ce slogan est enraciné dans notre culture depuis deux mille ans. (cf. Actes, 10:10-16 quand Pierre accepte de renoncer aux interdits alimentaires)

Le salut par la foi va bien pour une religion débutante, quand on pense que la fin du monde est proche. À l'époque, ils pensaient que Jésus allait revenir bientôt.

Comment justifier de stigmatiser ceux qui ne croient pas ?

On pense que les non-croyants ne sont pas sincères. C'est la doctrine de la mauvaise foi. L'islam est né au VIIe siècle, sous l'influence du christianisme et qui a repris cette volonté d'orthodoxie (= où la croyance est une obligation, au contraire des religions orthopraxes qui se basent sur une pratique juste). Comme le christianisme, l'Islam est une religion orthodoxe. Je ne parle pas plus de l'Islam car je suis inculte sur le sujet.

La libération animale n'est pas une religion... orthodoxe

Ce n'est pas un système de penser où la chose importante est la justesse de ce que les gens croient. Ce qui est important, c'est les résultats et non les intentions. Quand on parle d'une loi qui interdirait la viande ou le foie gras, elle n'impliquerait pas que tout le monde soit végétarien, décide volontairement à cause de ce qu'il croit de ne plus manger les animaux.

L'abolition de la viande implique simplement que les gens arrêtent de manger les animaux, pas que les gens croient quelque chose de spécial.

Il est logique de mettre ses actes en accord avec ses idées mais nous faisons souvent le contraire. On peut retourner l'argument. En effet, on nous dit que quand on dit que nous ne voulons pas manger les animaux, on impose une croyance. Par l'obligation de manger les animaux (par exemple en instaurant un décret cantine, en faisant comme s'il était impossible de vivre sans viande...) le carnisme nous amène à mettre nos idées en accord avec nos actes et à imposer une croyance. Parce que nous sommes forcés de manger les animaux depuis tout petits, l'interdiction de manger les animaux ne forcera personne.

Les gens ne pourront plus manger les animaux mais ils pourront y réfléchir librement.

Que répondre à l'accusation ?

Il faut mettre en relief le caractère démesuré de l'accusation. Nous ne cherchons pas à imposer les idées mais nous prenons les animaux au sérieux, nous cherchons à sauver les animaux. Quand les gens ne mangeront pas les animaux, les gens seront libres dans leur tête de réfléchir à la question animale sans la contrainte de justifier leurs propres actes, de mettre en accord leurs croyances et leurs actes.

Ce qui est une contrainte, c'est ce système qui nous impose des actes.

Discussion

Hélène : Je te complimente pour la conclusion mais je considère que c'est un acte fondateur car on s'autorise en une heure à faire un tableau de ce qui ne va pas dans la religion. Le choix a été fait de décrire l'impérialisme chrétien. Tu as puisé tes sources chez St Paul alors qu'il a trahi Jésus.

Qu'appelles-tu l'examen des données objectives de l'existence de Dieu ? Tu parles beaucoup de croyance mais tu négliges les expériences des Saints. En effet, Dieu s'en fout qu'on croie ou non : Il nous a créé donc à nous de jouer. Pour ce qui est des miracles, ce n'est pas de marcher sur l'eau mais d'avoir la perception que l'eau ne soit pas noyante. […]

David : Je parle du christianisme pour expliquer pas pour dire que c'est à mettre à la poubelle. Les deux mille ans de christianisme sont deux mille ans d'orthodoxie sur la base des écrits de Paul qui font foi sans l'Église catholique et chez les protestants. Il est indéniable que le christianisme et les citations de Paul sont une réalité. Je me base là-dessus pour expliquer qu'il y a une volonté de donner une telle importance à la croyance.

[Débat hors-sujet sur l'utilitarisme]

Julien : Je me pose la question de l'intention. Dans le bouddhisme on dit que c'est l'intention qui prévaut, que c'est la bonté de l'acte qui se justifie.

David : On a profondément tort de voir l'éthique comme visant à juger des la justesse des individus. Quand je fais un acte juste, le but de mon acte n'est pas mon intention mais bien l'acte lui-même. Kant dit que la seule chose bonne est la bonne volonté. Mais alors la bonne volonté d'avoir la bonne volonté et ainsi de suite. Un acte mauvais est un acte qui a des mauvaises conséquences.

Raphaël : Ton raisonnement est matérialiste et conséquentialiste car tu dis que la souffrance physique compte en premier lieu. Finalement, en imposant des actes, tu forces les gens à être incohérents. Ce n'est pas anodin d'un point de vue psychologique pour les autres.

David : Les gens le ressentent comme ça, à cause de cette idée d'actes qui doivent être les témoignages de ce qu'ils pensent. Je ne fume pas du haschich parce que la loi me l'interdit. Mais je n'ai pas l'impression que la loi m'oblige à penser qu'il est mal de fumer du haschich, je ne suis pas en incohérence avec cette opinion.

Une intervenante : Les gens sont déjà incohérents car ils mangent de la viande et mettent des kway à leur yorkshire dans la même journée.

Dominique : Dans le christianisme, le Christ s'est élevé contre les sacrifices. On lui doit déjà ça, c'est un progrès. Les notions religieuses ne se traitent pas comme des faits. Ce sont des mystères, ça se déroule sur un plan symbolique. Lire les textes dits sacrés avec un regard profane, c'est se tromper. Pendant des années, j'ai étudié la Bible en hébreu et je me suis rendu compte que des phrases que j'avais entendues avec un sens plat devenaient autre chose dans la langue originelle. Dans la tradition du rêve et du symbolique correspond au concept de « devenir ».

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