«Le phénomène du marronnage» - compte rendu par Sara

Pierre Sigler

10/08/13 à 17h20, 40 personnes

Définition et étymologie

La marronnage est le phénomène par lequel les animaux domestiques retournent à la vie sauvage. Un animal marron est un animal qui a des ancêtres domestiques. Cela s'est produit à toutes les époques. Les catégories marron et domestique sont un peu floues, certains animaux vivent en semi-liberté (ex : les taureaux de corrida).

Au début, le terme était appliqué aux esclaves et par analogie en est venu à désigner les animaux qui s'échappaient. Féralisme est un synonyme de marronnage (vient du mot anglais feral).

Cela existe depuis la domestication. Quelques exemple anciens : les dingos en Australie en -2000 (on suppose qu'ils ont été apportés par les humains), le mouflon corse et le kri-kri crétois.

Les colons européens des Amériques et de l'Océanie ont amené avec eux à peu près tous les animaux domestiques. Il y a énormément d'animaux marrons sur les îles, laissés par les explorateurs, parfois arrivés à la suite d'un naufrage.

Panorama historique du marronnage

La colonisation américaine était propice au marronnage à cause des grands espaces. Les conquistadors se croyaient plus évolués par rapport à l'agriculture car ils élevaient de gros animaux. Les Indiens se sont mis à élever des chevaux. Les colons pratiquaient l'élevage partout où c'était possible. On lâchait même des animaux dans la nature pour se constituer des réserves. Certains événements politiques ont favorisé le marronnage.

Il y avait une surabondance d'animaux. Au XVIIIe siècle, l'armée du Mexique est partie en campagne et comportait sept à dix chevaux par cavalier, ce qui réduisait leur mobilité donc ils en ont abandonnés. Vers le XIXe siècle on observe un phénomène de recapture des animaux marron. C'est en Australie qu'il y a le plus d'animaux marrons et cela est dû à deux facteurs : une absence de prédateurs non humains pour les gros animaux, une faible concurrence des mammifères autochtones, une faible population humaine et un élevage très extensible et sans barrière.

Les chevaux

Ils vivent en harde de plusieurs individus avec un étalon, plusieurs juments et leurs poulains, ou en hardes de mâles célibataires dans lesquelles l'étalon qui dirige la harde chasse les femelles, peut-être pour éviter la consanguinité. Vers l'âge de six ans, le mâle célibataire forme sa propre harde en recrutant des étalons ou des juments. Ils dorment peu et se relayent pour dormir. En Amérique du Nord, on connaît les mustangs, exemple type des animaux marrons aux États-unis. L'élevage par les Indiens a développé le marronnage des chevaux.

À la fin du XIXe, il y en avait un million. À la guerre des Boers, après une défaite l'armée britannique s'est mise à pratiquer la guérilla, et voulant monter une cavalerie légère est allée jusqu'à capturer des mustangs aux États-unis pour les domestiquer. Vers 1920, il y a eu un développement de la chasse au cheval pour fabriquer des croquettes pour poulets, chiens ou chats. On exportait aussi de la viande de cheval vers l'Europe. Dans les années 30, on a voulu éliminer ces chevaux. En 1950, il n'y avait plus beaucoup de mustangs. En 1971, comme on craignait leur extinction, on a promulgué une loi pour protéger les mustangs. Il y en a actuellement 340.000 en liberté + 34.000 dans les réserves.

Au Canada, on trouve des poneys sauvages sur l'île des sables. On y trouve aussi des chevaux. On se pose la question de leur origine, ce sont peut-être des chevaux confisqués lors de l'expropriation des Acadiens. Ils ont pas mal de poils et se sont adaptés au climat rude.

Autres exemples de chevaux sauvages

Les chevaux domestiques qu'on qualifie habituellement d'animaux fragiles peuvent pourtant vivre sous plusieurs climats, dans des conditions rudes.

Les ânes

Les ânes sont plus solitaires. Ils étaient utilisés par des prospecteurs d'or. Ils ont une moins grande vitesse que les chevaux, mais une plus grande capacité de charge. Il y en a qui sont devenus marrons en s'échappant ou en étant abandonnés par des propriétaires (grande mortalité humains lors de la conquête de l'ouest).

Il y a environ 5.000 ânes aux États-unis, concentrés au Sud Ouest du pays mais il y en a 3.000.000 au Mexique. Comment cela se fait-il ? La frontière entre les États-unis et le Mexique est très peu étanche, très gardée par les gardes-frontières. Si les ânes essaient de la franchir, ils sont abattus à vue.

Les ânes albinos de l'île d'Asinara sont de tout petits ânes albinos. Les ânes d'Australie se plaisent beaucoup là-bas car cela correspond à leur climat de prédilection, ils y sont 5.000.000.

Les chèvres

Toujours en Australie, il y a des chèvres. Leur nombre a pas mal augmenté car dans les années 70 on les estimait entre 200.000 et 400.000 etactuellement elles seraient 2.000.000.

Les kri-kri de Crète sont issus de chèvres domestiques. Elles sont été braconnées pendant bien longtemps. En 1960, il n'en restait que 200 et on a créé un parc national pour les protéger.

Les cochons

Les cochons domestiques ont deux chromosomes en moins que les sangliers mais ils sont interféconds donc on considère qu'ils appartiennent à la même espèce. Le féralisme donne aux cochons des airs de sangliers.

Leur mode de vie est similaire à celui des sangliers : ils vivent en groupe (de six à vingt individus), sont omnivores, semblent avoir une préférence pour la nuit. Les truies ont des portées de six à huit petits. En général seuls trois petits survivent jusqu'à la fin de la première année.

Le cas australien

Les animaux marrons sont détestés des agriculteurs parce que le climat australien est très sec, il n'y a pas beaucoup de sources de végétaux, donc les cochons marrons ont abandonné le charronnage et se sont mis à la chasse. Ils ont ciblé les petits animaux d'élevage : les veaux et les agneaux. Les proies ne réagissaient pas car ils étaient habitués à vivre avec des cochons domestiques. Les Australiens se sont livrés à une lutte sans merci contre les cochons.

Les poules

Les poules d’Hawaï se plaisent là-bas car les poules domestiques sont originaires des régions tropicales. À la Nouvelle-Orléans, des poules domestiques ont été libérées car les élevages ont été détruits par l'ouragan. Aujourd'hui, on peut y croiser des poules comme ici on croiserait des pigeons.

Les vaches

Elles sont assez rares car elles sont souvent recapturées. Dans l'île d'Amsterdam, en plein milieu de l'océan indien, un éleveur réunionnais a fait un élevage de vaches. Quand il est reparti, les vaches sont restées, se sont multipliées et les autorités trouvaient que le surpaturage endommageait la flore locale. Elles ont été exterminées en 2010.

En France, les betizus des Pyrénées sont des vaches marronnes qui vivent dans des zones montagneuses reculées au Pays-Basque. On en compte à peu près 300 et sont protégées et aimées des population, comme un symbole du Pays-Basque.

La marine landaise était des petites vaches férales de trois cents kg qui vivaient dans les marais landais. Les Landais en capturait régulièrement. Avec la plantation de la forêt des landes et la fixation des dunes elles ont été décimées. Pendant la première guerre mondiale, on les a décimées et déclarées disparues en 1963. En 1968, un paysan a vendu son troupeau de vaches et l'acheteur s'est rendu compte que c'était un élevage de marines landaises. Aujourd'hui, il y a encore trente vaches marines landaises, elles vivent en élevage.

[…]

Les moutons

Peu de population marronne car s'ils ne sont pas tondus, ils meurent de chaleur. De plus, ils subissent la prédation et sont souvent capturés par des humains car ils ont une valeur marchande. On les trouve plutôt sous des climats froids. Les gens se plaignent qu'ils abîment la flore locale.

On en trouve sur les îles écossaises, en Alaska...

L'attitude des humains : deux cas

Les dromadaires australiens

Il y a des populations marronnes de dromadaires en Australie. Ils ont été importés au XIXe siècle comme moyen de transport dans le désert. Ce sont essentiellement des dromadaires même s'il y a quelques chameaux. On a fait venir avec eux des Asiatiques habitués à élever des dromadaires. Ils étaient utilisés pour le transport pour explorer le désert, lors des constructions de route, de chemins de fer, de lignes de télégraphe, etc. Ils étaient mille en 1880. En 1920, ils étaient 20.000 en tant qu'animaux domestiques. Il y a eu un déclin au profit des véhicules motorisés. Pour explorer le désert, on a utilisé les chameaux jusque dans les années 40. Quand les éleveurs ont abandonné leurs élevages de chameaux, ils n'ont pas eu le cœur à les tuer, beaucoup ont été relâchés. Ils ont environ un million aujourd'hui. Ce sont des animaux adaptés au climat aride. Ils ont la capacité de se nourrir de presque n'importe quelle plante et boivent très peu. Ils vivent en grands troupeaux de plusieurs centaines d'individus et ont une faible mortalité naturelle et n'ont aucun prédateur, sauf les humains.

Dans les années 70, ils étaient considérés comme inoffensifs. Ils n'allaient pas dans des zones « commerciales » où se trouvaient les vaches et les moutons. Leur nombre et leur zone d'occupation a augmenté et comme ils aiment vivre en grand troupeau, ils se font bien remarquer, par exemple en cassant des barrières.

De plus, leur connaissance ont crû. Ils vont boire au puits, aux abreuvoirs des animaux domestiques, ils savent où trouver de l'eau. Ils ont compris qu'en cassant des tuyaux de canalisation ils peuvent trouver de l'eau. Ils rentrent chez les gens. Ils ont une capacité d'absorption d'eau extraordinaire (une personne se faisait couler un bain, un chameau s'est glissé chez lui et a bu dans sa baignoire...).

Le gouvernement australien a pris des mesures contre les chameaux. On paie des gens dans des hélicoptères qui massacrent tous les chameaux. Cela fait des énormes bains de sang. Les seuls qui contestent cette manière de procéder sont les animalistes. Les écologistes s'en moquent puisque ce ne sont pas des animaux dans leur milieu naturel en voie de disparition.

Les lapins d'Australie

En 1859 un Anglais immigré en Australie qui adorait la chasse a relâché 24 lapins gris dans la forêt. Ces lapins ont proliféré rapidement en mangeant les cultures. On a commencé à les chasser en utilisant plusieurs moyens. La première méthode de lutte a été une méthode organisée au niveau gouvernemental, collective avec des primes à l'abattage, la confection de grandes barrières, visant à protéger la côte ouest de l'Australie où il y avait beaucoup de fermes.

Comme les méthodes conventionnelles ne suffisaient pas, en 1887, le gouvernement a proposé une récompense à celui qui trouverait un moyen efficace de limiter la population. La piste de l'arme biologique s'est imposée. La maladie de la myxomatose a été découverte. En 1920 on a su que les puces transmettaient la maladie. Plusieurs tentatives ont été faites pour inoculer la myxomatose aux lapins. Sur l'île de Wartang, on faisait des tests d'armes contre les lapins. Au début des années 50 on a trouvé que les moustiques faisaient un excellent vecteur de la maladie. L'idée a été dévastatrice puisque sur 600.000.000 de lapins, seuls 100.000.000 de lapins ont survécu. La myxomatose est arrivée jusqu'en Europe.

C'est une maladie affreuse car le virus produit des tumeurs qui poussent notamment au niveau des yeux. Le système immunitaire flanche et le lapin meurt de maladies opportunes.

En 1983, on a découvert une autre maladie qui se transmet par sécrétions : la fièvre hémorragique du lapin. Cette maladie a été testée sur l'île de Wartang au début des années 90. La fièvre hémorragique s'est retrouvée sur le continent.

Sinon, des armes chimiques ont été utilisées : on jette des bonbonnes de gaz dans un terrier.

Aucune de ces méthodes n'a vraiment fonctionné.

Les facteurs favorisant le marronnage

1/ Environnemental : milieu adapté, absence de prédateurs...
2/ Biologique : on voit que les animaux ne sont pas si changés par la domestication car ils s'en sortent bien seuls (sauf vers à soie et animaux d'élevages intensifs qui proviennent de souches trop modifiées).
3/ Causes humaines : élevage extensif, colonisation, guerres, naufrages, explorations, réserves pour chasse, scrupules à tuer les animaux.

Certains animaux sont élevés en grande liberté : les taureaux de combat, les chevaux de Camargue, les vaches et moutons écossais, les chèvres de Marivieille.
Certains sont des cas commensaux (qui vivent à proximité des humains sans être des parasites) comme les chiens et chats errants, les pigeons des villes.

Les poules de Key West vivent près de Cuba. Elles sont un symbole de l'île de Kay West et on contrôle leur population sans les tuer. On les déplace dans une ferme du continent. La moitié des habitants est contente de vivre avec elles, l'autre moitié moins car elles sont bruyantes le matin. Comme les pigeons des villes, on les trouve dans la rue avec leurs poussins.

Les pigeons à Paris vivent en bonne intelligence avec les humains. Les parisiens aiment les pigeons, quoique certains veulent les tuer à cause de leurs déjections.

Conclusion

Implications pour le mouvement animaliste :

  • l'argument selon lequel si on abolit l'élevage, les espèces disparaîtraient est totalement faux.
  • L'argument selon lequel il vaut mieux vivre en élevage que ne pas naître est faux car les terres allouées à l'élevage ne disparaîtraient pas du continuum espace-temps.

Il faudrait réfléchir à la reconversion des animaux d'élevage après l'abolition de la viande. L'une des possibilités peut être le semi-marronnage :

  • vie en liberté
  • abris et soins en cas de besoin
  • contraception plutôt que prédation
  • en échange, entretien des paysages