Estivales de la question animale 2003 - Débat du mardi 5 août matin : Dénoncer le spécisme, une stratégie efficace ?

(Cette page a été initialement publiée sur le site de Antoine Comiti.)

1ère partie : Mouvement antispéciste et mouvements de défense animale

Résumé

Le mouvement antispéciste et les mouvements de défense animale semblent parfois poursuivre des stratégies incompatibles. En particulier, l'amélioration des conditions d'élevage, en visant à adoucir les conditions de l'exploitation des animaux, est souvent perçue par les abolitionnistes comme légitimant l'exploitation elle-même.

Une analyse du lien entre :

  • le monde des idées (spécisme et représentation de l'animal en tant qu'être sensible)

  • et le monde des pratiques (façons d'utiliser les animaux)

nous montre que les stratégies de ces mouvements peuvent aussi être pensées, et articulées, pour se renforcer mutuellement.

 

 Plan

  • Introduction
  • Articulation entre mouvement antispéciste et défense animale
  • Représentation de l'animal comme être sensible, et dénonciation des pratiques cruelles
  • Idées spécistes et pratiques spécistes : du cercle vicieux au cercle vertueux
  • Dénoncer l'injustice faite à des groupes, et montrer la souffrance des individus
  • Dénoncer l'idéologie du spécisme, plutôt que promouvoir l'idéologie antispéciste
  • Une présentation du spécisme qui met en pratique les principes évoqués ici

Transcription (revue et enrichie)

Introduction

Le thème que j'ai préparé, c'est un débat autour du spécisme, sur l'idée de savoir si l'antispécisme c'est une idée qui est facile à véhiculer, à communiquer, à transmettre, ou si, quand on en parle, on a plutôt des gros yeux ronds en face, avec une vision assez radicale de ce que l'on explique qui ne serait pas comprise.

Déjà pour moi, l'idée qu'il fallait faire un topo sur le spécisme cette semaine était absolument naturelle. Un peu comme si on discutait de la question juive en 1930 et qu'on ne parlait pas de l'antisémitisme, cela serait certainement absurde.

Ce qui m'a décidé à vouloir présenter quelque chose aujourd'hui, c'est la lecture de la transcription des Estivales 2002, une intervention de David Olivier en l'occurrence, sur la Veggie Pride. David exprimait que l'idée de la Veggie Pride lui est venue d'une évolution de sa réflexion politique: l'idée d'étendre le champ des personnes qui sont touchées, au delà de l'antispécisme -que David disait dans cette discussion comme étant assez radical et finalement partagé par assez peu de personnes- vers le végétarisme pour les animaux.

Et quelque part cela me heurtait de lire cela -de la part de David déjà, connaissant l'histoire du mouvement en France, cela signifiait quelque chose- et en plus cela n'était pas conforme à l'expérience personnelle que j'en avais en discutant avec d'autres personnes autour de moi.

"Sans aller jusqu'à devenir végétarien, depuis que je ne suis plus spéciste, j'ai arrêté de manger les animaux…"

Je veux dire que quand j'ai commencé à parler du végétarisme -je le suis devenu assez récemment, il y a 3 ans à peu près- j'avais l'impression de ne pas être compris sur mes motivations. Quand j'en parle par rapport au végétarisme, on m'écoute, comme on me dit, "avec respect", "on respecte les végétariens" -les végétariens pour les animaux ou les autres, à la limite peu importe dans ce cas là- et puis après on passe à autre chose ; c'est assez frustrant.

On en est presque à trouver normal que je mange pas d'animaux, parce que je suis végétarien: "Eh bien oui, t'es végétarien, alors tu ne manges pas d'animaux"… Non ! C'est peut-être l'inverse : c'est parce que je mange pas d'animaux qu'on m'appelle végétarien ! Et du coup ça me rend presque mal à l'aise de dire que je suis végétarien ; ça me fait penser à un message de Florence Lobrecht sur une des listes de discussion sur la question animale sur Internet, qui disait qu'elle avait pas envie de dire qu'elle était végétarienne particulièrement, qu'elle ne se sentait pas spécialement végétarienne, mais plutôt en l'occurrence antispéciste.

Finalement, c'est ce que j'ai expérimenté naturellement depuis quelques mois, quand le sujet des animaux vient, à table en l'occurrence, je ne dis plus que je suis végétarien et que c'est cela qui me détermine, mais qu'il y a une discrimination qui me paraît injuste, et que cela m'amène à ne plus consommer d'animaux -comme conséquence simplement.

Et j'ai été assez surpris d'être beaucoup plus écouté, beaucoup plus compris, quand je parle de spécisme, et il y a presque une atmosphère de respect qui s'établit, et la phrase qui revient souvent c'est : " oui, effectivement … il n'y a rien à redire …, c'est logique ton truc". On a l'impression que la personne repart avec cette idée à l'esprit, certains qui cogitent dessus un peu, d'autres qui oublient certes. Cela c'est passé notamment avec des collègues de bureau, avec qui c'est seulement lors d'un dîner un peu personnel où j'ai pu exprimer cette idée d'antispécisme et qui m'ont dit "enfin on a compris pourquoi tu es devenu végétarien".

Si j'ai bien compris en fait ce que voulait évoquer David, c'est que si on veut réunir une manifestation et qu'on la fait avec des militants antispécistes, on va être moins nombreux que si on la fait avec des végétariens pour les animaux. Mais par contre, j'ai l'impression que en terme d'idée "virale", d'idée qui se transmet, qui se propage, le fait de dénoncer le spécisme, est beaucoup plus puissant que de parler de végétarisme.

Je voulais donc aussi que ce topo puisse provoquer un débat autour de ce qu'un ami m'a dit, que l'antispécisme c'est un courant "ghetto", dans le sens qu'il se définit à l'exclusion du reste.

 

Articulation entre mouvement antispéciste et défense animale

Alors ce que je vais faire aujourd'hui, c'est présenter ma façon de voir la liaison entre le mouvement antispéciste et d'autres mouvements animaux, la manière dont je conçois finalement leur complémentarité après les avoir pensés opposés. J'ai aussi préparé une présentation du spécisme pour un public -en l'occurrence pas celui des Estivales- qui serait totalement novice dans le domaine, qui n'en aurait aucune idée, essayer de la rendre le plus simple possible et convaincante -en appliquant les principes que je vais évoquer maintenant.

Il y à peu près 3 ans, quand j'ai commencé à m'intéresser à la question animale, je l'ai abordé en particulier par les vidéos de la PMAF, comme beaucoup ici. Cela m'a effectivement sensibilisé à la question et m'a fait prendre conscience qu'il y avait pas simplement quelque chose à améliorer dans notre traitement des animaux, mais quelque chose d'absolument révoltant, quelque chose de fondamentalement mauvais.

Et pendant longtemps j'ai tout à fait compris la démarche d'une association comme la PMAF. Je me suis senti pendant quelques mois vraiment dans cette démarche là, avec la volonté de rejoindre une association de défense animale, d'y participer. Et puis petit à petit, mon cheminement d'esprit s'est poursuivi, j'ai lu Peter Singer, les Cahiers Antispécistes, etc. et aujourd'hui c'est fondamentalement comme antispéciste que je vois les choses.

Cela dit, ce que ce cheminement m'a amené à faire, sur une période assez courte, c'est à me demander, comme je pense beaucoup d'autres dans le domaine des animaux, si l'amélioration des conditions d'élevage ne va pas finalement diminuer l'aspect révoltant des conditions de traitement des animaux, et finalement repousser à plus tard le moment où l'on va enfin cesser l'exploitation -un petit peu comme les trotskistes révolutionnaires qui sont contre la réforme parce que du coup cela va retarder la révolution.

J'ai pensé cela pendant quelques temps, ce qui m'a mis assez mal à l'aise, comme si cela "clochait" quelque part. Et puis assez récemment j'ai mieux articulé ces deux notions d'antispécisme et de défense animale. Je les vois maintenant d'une manière tout à fait complémentaires, à la fois en terme théorique, mais aussi en terme de mouvement.

J'ai l'impression que tout ce qui est défense animale, que l'on parle d'association type SPA, d'associations parfois très anciennes, parfois même issu du 19e siècle, que ce soit des associations qui s'occupent d'animaux au niveau individuel, ou au niveau collectif (comme la PMAF par exemple), elles sont très orientées vers la dénonciation des pratiques, c'est-à-dire que leur message c'est "cette pratique est révoltante, parce qu'elle est cruelle, il faut donc qu'elle cesse".

Alors qu'au contraire un mouvement comme l'antispécisme (mais il pourrait y en avoir d'autres) se place beaucoup plus au niveau des idées. Ce mouvement considère que l'idée de la discrimination sur l'espèce, est inacceptable, parce qu'injuste, et qu'en conséquence les pratiques qui en découlent, et l'exploitation des animaux elle-même, elles-mêmes sont injustes et inacceptables.

Pour revenir sur la question de savoir si, quand on fait une lutte sur les pratiques, comme les mouvements de défense des animaux, et qu'on fait reculer finalement une pratique qui est ostensiblement cruelle, est-ce qu'on ne contribue pas à enterrer un peu le problème ? Je suis absolument certain maintenant que ce n'est pas le cas et je vais expliquer pourquoi.

Représentation de l'animal comme être sensible, et dénonciation des pratiques cruelles

Parce que finalement qu'est-ce qui parait cruel ? Quand il y a une campagne qui est lancée sur par exemple, la castration des porcelets sans doute prochainement, qu'est-ce qui parait cruel quand on regarde ce que l'on fait pour castrer un porcelet ? Ce n'est pas cruel en soi, en fait, c'est cruel par rapport à la représentation que l'on se fait de l'animal. Si on voit l'animal comme un être qui peut physiquement souffrir par la torture, un être qui déjà a un corps tout simplement, alors effectivement le fait de le mutiler, cela va paraître effectivement cruel et une pratique contre laquelle on doit lutter.

Donc ce qui compte, c'est de savoir si la pratique contre laquelle on lutte parait choquante par rapport à la représentation que l'on a de l'animal. Et donc ce qui compte c'est, à un instant donné dans la société, quelle est la représentation majoritairement partagée de l'animal qui fait que certaines pratiques sont choquantes ?

J'ai aujourd'hui la conviction que la représentation de l'animal dans la société, du moins en tout cas dans la notre, occidentale, un petit peu retardée sur cet aspect là, est en train d'aboutir petit à petit, à la pleine signification de ce que signifie qu'un animal est un être sensible. J'ai aujourd'hui la conviction qu'il y a un long chemin qui est parcouru, dont on retrouve des signes, dans la presse, dans des discussions, en terme de formations, de recherches universitaires, de lois, qui montrent que la conception de l'animal devient de plus en plus sophistiquée et complète.

Et donc, au contraire, des premières luttes sur la défense animale qui étaient très orientées sur la torture physique et où des aspects de leur vie relationnelle par exemple –comme la séparation de la vache et du veau– n'étaient absolument pas pris en compte, parce que ça suppose qu'on ait une représentation de l'animal comme un individu qui a des relations, des émotions, etc., petit à petit si vous regardez les dernières campagnes, par exemple de la PMAF, elles s'orientent de moins en moins vers des aspects de souffrance physique brute, mais de plus en plus vers des aspects de séparation des groupes, stress des animaux, l'émotion qui est ressentie, la panique, la peur, etc. 

Et ces campagnes là sont reprises à la télévision, choquent aussi des personnes qui ne s'intéressent pas à la question animale, etc. Donc cela veut dire que, dans la représentation de l'animal qui devient courante aujourd'hui dans la société en général, d'autres facettes de l'être sensible complet, qui a de multiples facettes, commencent un petit peu à devenir visibles.

Si l'on comprend cela, c'est ainsi que l'on peut passer d'un cercle vicieux dans lequel est enfermé la question animale, à un cercle vertueux.

 

Idées spécistes et pratiques spéciste : du cercle vicieux au cercle vertueux

Le cercle vicieux c'est le fait que les idées spécistes entretiennent les pratiques spécistes qui elles-mêmes renforcent les idées spécistes.

Le fait d'avoir des idées spécistes incite bien sûr, comme on va le voir tout à l'heure, à avoir des pratiques spécistes.

Mais c'est vrai aussi dans l'autre sens. Le fait de pratiquer de manière habituelle des pratiques spécistes, le fait de voir ces pratiques pratiquées d'une manière générale dans la société, de les voir pratiquées en permanence par des gens qui sont des modèles pour nous, alors cela contribue à faire penser que ces pratiques sont normales, acceptables. Ainsi ces pratiques légitiment aussi le spécisme en tant qu'idée puisque ces pratiques qui ne respectent pas les individus animaux, qui ne prennent pas en compte leurs intérêts, leurs besoins, pourtant on les considère comme normales ; c'est donc qu'il est légitime de ne pas respecter les intérêts des animaux.

Donc on voit qu'il y a un cercle vicieux qui s'auto entretient entre les pratiques que l'on fait, la représentation que l'on a.

Donc ma question a été de savoir ce qui pouvait permettre de sortir de cercle vicieux. Et j'ai eu l'impression que dans certaines littératures antispécistes, on n'en sortait pas, pour une raison qu'il m'a semblé être que, du point de vue de l'antispéciste pur, l'exploitation animale est elle-même à remettre en cause ; ainsi des pratiques que la défense animale veut abolir, elles lui paraissent finalement assez secondaires, puisque c'est l'ensemble du système qui est à abolir.

Et donc il est parfois évoqué, dans cette littérature antispéciste, des pratiques qui sont à cet instant pas nécessairement choquantes pour la population en générale (par rapport à la représentation incomplète de l'animal qu'en a la population), et qui tentent d'ailleurs plutôt à ce moment-là, si on se concentre uniquement sur pratiques-ci, à décrédibiliser l'antispécisme parce on se dit que "des conséquences de cette théorie c'est donc qu'il faut renoncer à telle activité qui me parait absolument naturelle et qui ne me choque pas du tout, c'est donc que la théorie elle a quelque chose qui cloche et je n'y adhère donc pas".

J'ai l'impression que la façon de sortir du cercle vicieux -pratiques spécistes qui entretiennent une vision spéciste qui entretient des pratiques spécistes- c'est donc simultanément d'attaquer aux deux niveaux :

  • au niveau des activités, des pratiques, qui semblent cruelles à la population à un instant donné (campagne de la défense animale, type PMAF), et donc je vous disais que ce champ là il s'étend petit à petit avec l'évolution conjointe de la représentation de l'animal,
  • et simultanément d'attaquer au niveau des idées, ce que fait le mouvement antispéciste.

Ainsi on peut passer d'un cercle vicieux à un cercle vertueux, c'est-à-dire que on montre ces pratiques révoltantes, et qui sont perçues comme telles, et on explique simultanément au niveau des idées qu'elles découlent d'une vision du monde qui est le spécisme, qui du coup est décrédibilisé par les pratiques choquantes qu'il permet. Réciproquement, le spécisme mis en question est moins crédible pour légitimer les pratiques, qui donc paraissent encore plus choquantes.

Ainsi l'édifice peut commencer à se fragiliser.

Ainsi le premier point que je viens d'évoquer, c'était que de ne parler que des pratiques choquantes, sans parler de la vision spéciste qui est derrière, c'est insuffisant, puisque cela entretient la vision spéciste. Mais réciproquement, parler de la vision sans aussi attaquer à l'endroit où les pratiques sont choquantes à un instant donné dans la population c'est il me semble moins efficace.

Remarquons que je me méfie beaucoup du mot 'efficace' parce que pour diffuser des idées, provoquer des évolutions de société, cela n'a pas de sens de dire "ce qui est efficace c'est de distribuer des tracts, ou alors c'est de faire une manifestation, ou alors c'est d'écrire des articles". C'est tout cela qu'il faut faire simultanément, et qui ne peut pas nécessairement être fait par ailleurs par les mêmes personnes, donc je suis pas en train d'isoler quelque chose de précis en disant cela.

Ce que je voulais dire par "efficace" c'est que des mouvements qui ont un énorme suivi actuellement comme par exemple Peta, ou un petit peu auparavant Henry Spira aux Etats-Unis, ce sont des mouvements de type défense animale, c'est-à-dire qui font des campagnes comme celle contre KFC en ce moment pour améliorer les conditions d'élevages, mais qui simultanément font le renvoi sur la page du site Web vers GoVeg.com ("devenez végétariens.com"). Et on se rend compte que si on navigue sur le site de Peta par exemple, que cela ne parait pas du tout antinomique, comme on pourrait le penser au départ, puisque les deux se renforcent mutuellement et non pas l'inverse.

Dénoncer l'injustice faite à des groupes, et montrer la souffrance des individus

Un complément à ce que je viens de dire, c'est que je fait une grosse différence dans les mouvements de défense animale, entre les mouvements qui s'occupent, ou qui se sont beaucoup occupé dans le passé, d'animaux au niveau individuel, donc de pratiques cruelles d'un individu, le maître qui bat son chien par exemple et qu'on envoie au tribunal. Je distingue cela très fortement d'association comme la PMAF, qui luttent contre des pratiques institutionnalisées, qui donc placent le débat à un niveau politique.

Je voulais dire que dans un film d'une campagne de la PMAF, on va voir un ensemble de cochons, un élevage de poulets, et ce qu'on dénonce c'est ce qui leur est fait à eux en tant que groupe, presque en tant qu'espèce ; au contraire d'une association de défense animale qui va dénoncer le mauvais traitement fait à un chien précis et bien réel, 'Rocky' disons par exemple, par son maître.

Les deux approches sont complémentaires, je ne les oppose pas, et je dis précisément que si on veut être complet et même être cohérent, et toucher, on ne peut pas se passer aussi de rappeler l'animal individuel, celui dont on peut sentir qu'il ressent lui-même des choses. Et je dis cela parce que ce n'est pas toujours fait. Dans les films de type PMAF, ce qui m'a le plus marqué ce sont justement les moments ou il y a des gros plans sur l'individu dans la masse, et que pendant quelques instants on suit son visage, un poulet par exemple, et là on imagine ce qui se passe dans sa tête. C'est aussi ce qui est très fort dans le film 'Shoah' pour ceux qui l'on vu : c'est évidement l'extermination de masse qui est le sujet du film, mais en même temps on voit des individus qui racontent leur histoire et ce qu'ils ont vécu personnellement, et ce n'est pas au seulement niveau de l'injustice de ce qui a été fait globalement, mais aussi au niveau de ce qui a été vécu individuellement.

Un autre point aussi, c'est l'idée que pour vraiment trouver injuste le spécisme, cela suppose que l'on voit effectivement les animaux comme des êtres sensibles. Pour cela, il ne s'agit pas simplement de le comprendre intellectuellement, de lire des articles scientifiques sur la conscience des chimpanzés devant la glace, etc. Pour comprendre vraiment ce que veut dire le fait qu'un animal est un être sensible, il faut aussi que l'on ressente l'existence de ces individus réels qui nous regardent avec leurs yeux, qui vivent et qui souffrent devant nous, qui ont presque un prénom et qui ont une histoire. Et je pense que parfois aussi que, dans la façon de présenter l'antispécisme, en tout cas comme moi je le faisais encore assez récemment, le fait de se placer à un niveau de débat d'idées uniquement, on se coupe de cette partie là, ce qui est aussi indispensable pour concrétiser ce que c'est qu'un être sensible, et donc l'injustice du spécisme.

Dénoncer l'idéologie du spécisme, plutôt que promouvoir l'idéologie antispéciste

Dans le passé j'étais beaucoup à parler d'antispécisme, et j'ai trouvé que cela renforçait l'idée de ghetto, de système d'idées un petit peu à part. J'ai trouvé beaucoup plus fort, en tout cas dans ma propre démarche, je généralise pas, de parler de spécisme, en fait, et pas particulièrement d'antispécisme. J'ai trouvé que le simple fait de décrire le spécisme, j'ai trouvé cela beaucoup plus fort que de décrire ce que c'est que l'antispécisme, parce que le spécisme se décrédibilise tout seul quand on le décrit et qu'on s'interroge dessus. Et aussi cela amène, au lieu d'être soi-même à devoir justifier une façon de penser, l'antispécisme, "ta nouvelle idéologie que tu essayes de m'imposer", en fait cela retourne complètement l'approche, et renvoie le procès en idéologie sur le spéciste qui est devant soi, sans lui dire franchement qu'il l'est. Et cela montre que finalement celui qui est dans un système de pensée et qui est peut être un peu prisonnier de ces idées, ce n'est pas celui que l'on croit. C'est une démarche presque socratique : au lieu de dire "moi je pense comme ça", c'est de dire "est-ce que ce que tu pensais jusqu'à maintenant te parait vraiment juste ?" et de laisser les autres réfléchir eux-mêmes.

 

Une présentation du spécisme qui met en pratique les principes évoqués ici

Je vous propose de passer maintenant à la deuxième partie, une présentation qui cherche à illustrer quelques points que je viens de dire ici, c'est-à-dire une présentation du spécisme à l'intention de personnes qui ne sont pas antispécistes, des personnes qui ne se sont pas particulièrement posé la question sur le spécisme, typiquement je pense à moi-même il y a trois ans, et qui, quand j'ai lu les premières littératures antispécistes, tout cela me paraissait un petit peu étranger, "extra-terrestre", alors que pourtant cela était très naturel avec le mode de pensée que j'avais déjà à l'époque.

Quelques remarques au sujet de cette présentation :

  • j'y aborde la notion de discrimination juste et injuste : assez fréquemment quand on parle d'antispécisme un peu trop rapidement, je trouve que ce qui malheureusement est retenu en face, c'est "dire tout le monde est égal, d'accord, les humains, oui ils se ressemblent tous à peu près, les différences sont mineures, mais les animaux ce n'est pas pareil, entre un homard et un humain, toi tu dis qu'ils sont égaux, c'est un peu absurde". Dire cela, c'est ne rien comprendre à ce que c'est une discrimination juste ou injuste. Donc il est nécessaire dans cette présentation, malheureusement, d'aborder la question de ce qu'est une discrimination juste ou injuste. Je dis " malheureusement" car c'est une idée un peu compliquée, c'est un obstacle à la lutte contre le spécisme ; mais c'est nécessairement quelque chose qu'il faut aborder de front.

  •  de plus, je pense que quand on discute avec des personnes non sensibilisées à ces questions, on peut rentrer trop vite dans la discussion sur l'égalité, de dire un animal et un homme "ça compte autant", en partant de l'idée d'égalité de considération des intérêts, mais du coup on parvient très vite à un discours ambigu qui n'est pas compris. Par contre, si on pose la question que je pose dans la présentation, "est-ce qu'un intérêt, même dérisoire, d’un humain compte toujours plus qu’un intérêt, même vital, d’un animal ?", et que l'on se réfère à des exemples concrets par rapport à l'élevage par exemple, alors cela est mieux compris et correspond d'ailleurs plus aux choix quotidiens que nous avons à faire.

  •  j'y aborde la notion d'être sensible : notons que quand on discute du spécisme, je ne vois pas qu'on puisse ne pas parler de la notion d'être sensible puisque pour moi c'est le fondement même, la pierre angulaire. Car finalement qu'est-ce qui est réel dans tout ce qu'on dit ? Ce qui est juste, ce qui est injuste, ce n'est pas toujours très clair, quelque part ce ne sont que des idées, on peut certainement en discuter. Par contre, ce qui est indéniable, ce qui est corroboré à la fois par l'expérience directe personnelle, quotidienne, et aussi par la science d'aujourd'hui, c'est le fait qu'il y a des êtres sensibles, qui ressentent des choses.

  •  j'y aborde aussi la question du meurtre animal : c'est une question qui, dans le mouvement de défense animale, est totalement occultée. Je me souviens que David avait évoqué dans une liste de discussion sur Internet l'idée d'étendre la dénonciation de la peine de mort à celle infligée aux animaux. La question du meurtre des animaux peut, dans le cadre d'une discussion correcte avec quelqu'un, tout à fait être abordée de manière très directe et être comprise.

  •  je voudrais dire que je ne présente rien de nouveau ici, c'est simplement la synthèse de tout ce que j'ai lu depuis 2 ans a peu près, de beaucoup de littérature, beaucoup aussi donc à qui rendre hommage, en particulier à ce qui a été écrit par Peter Singer et les Cahiers Antispécistes. Enormément aussi de contributions autour des listes de discussion sur la question animale sur Internet, listes qui parfois paraissent un petit peu légères, perturbées de messages parasites souvent, mais il reste finalement à la fin de la semaine quelques idées fortes qui m'ont marqué. Tout cela pour dire que vous allez retrouver ici, sous une autre forme, certaines choses que vous avez pu écrire sans nécessairement être cités.

 

2ème partie :Le spécisme et les pratiques spécistes

Pour accéder à la transcription de cette présentation, cliquer ici

 

3ème partie : Débat

Cette partie est la transcription des débats entre les participants à cette matinée.

Interventions faites durant la présentation sur le spécisme

[Claire DERAY]

[au sujet de l'impossibilité pour les animaux de s'organiser socialement pour protester]

Si, c'est possible qu'ils s'organisent, cela s'est produit au Japon avec des dauphins, ou des dauphins ont été massacrés par des japonais qui ne voulaient pas que les poissons soient mangés par les dauphins, c'est Paul Watson qui raconte cela dans son livre 'Au nom des mers'. Paul Watson se bat pour les animaux marins, entre autres, il se définit comme un défenseur de la nation cétacée. Paul Watson raconte que le lendemain, les pêcheurs n'ont pas pu avancer, il y avait des milliers de dauphins qui bloquaient le port.

[Antoine COMITI]

Effectivement vu comme cela, quand on regarde aussi des fourmis par exemple, dans un comportement collectif si vous attaquez la fourmilière, elles peuvent effectivement réagir de manière commune et collective. 

[André MONTAUDIÉ]

Tu parles de génétique. On voit à la télévision, on nous montre qu'avec la génétique, cela va permettre de produire des médicaments, à partir d'animaux qui vont secréter de l'insuline par exemple. On nous montre parallèlement des enfants qui sont handicapés, en fauteuil roulant, on nous dit "cotisez pour le Généthon", "cotisez pour etc." On peut être déstabilisé, on peut se dire, la génétique, dans certains cas c'est une bonne chose, dans d'autres cas, ce n'est pas une bonne chose...

[Antoine COMITI]

Je pense que la génétique n'est ni bonne ni mauvaise, c'est quelque qui fait partie de nous, qui parle de nous-même, l'ADN, c'est constitutif du fait que l'on a un organisme, qui fonctionne. Donc la question n'est pas de savoir si c'est naturel ou pas naturel. La génétique aussi c'est un outil, un outil d'action, une technologie, qui, suivant ce qu'on en fait, peut avoir des effets bénéfiques ou des effets négatifs. Ce qui est sûr par contre c'est que si on l'utilise dans un contexte où les intérêts des individus sont méprisés, pour par exemple leur prendre leurs organes, dans un contexte similaire à celui de l'élevage par exemple, en les manipulant, en les tuant, alors certainement cela créé de la souffrance.

A la question qui est posée, alors je ne conclue pas sur le fait de savoir si il faut le faire ou pas le faire. Je préfère en fait poser la question et que ce soit à chacun d'y répondre, de savoir si on trouve que c'est injustifié pour être humain, de prendre ses organes, de le tuer, même si cela pourrait sauver des vies aussi, pourquoi est-ce qu'on le fait à un animal, pourquoi est-ce que c'est beaucoup plus justifié ? En disant cela je ne dis pas qu'il faut le faire ou ne pas le faire.

[Jean-Frédéric MARROT]

On peut peut-être aussi pousser la réflexion un peu plus loin, pour ceux qui adhèrent, et je dis bien pour ceux adhèrent à, quelque soit le nom qu'on donne, à une intelligence créative. Là on assiste ni plus ni moins à un remodelage de la Création toute entière. Donc pour moi cela va beaucoup plus de l'optimisation de la machine à travers de l'animal, et effectivement à travers les manipulations génétiques, entre autre, de pouvoir remodeler une création toute entière. Donc, à travers le temps, l'Homme, cela ne lui a pas suffit de dominer la Nature telle qu'elle était, mais il a des visées encore plus loin que cela, de remodeler toute une création, qui sort en fait, pour ceux qui adhèrent à la conception d'une intelligence créatrice qui régit un certain ordre naturel, de pouvoir échapper à cela, et effectivement créer une nouvelle Création.

[Antoine COMITI]

Dans cette vision des choses, cela a cette conséquence là effectivement. Vision que je n'ai pas personnellement.

[Antoine COMITI]

[au sujet du mythe "Nous devons manger des animaux pour vivre ; manger de la viande est nécessaire pour être en bonne santé"]

Je pense donc que ce mythe est un énorme frein, et je l'ai négligé pendant longtemps parce que j'étais tellement focalisé sur l'idée d'être "végétarien pour les animaux", dans l'esprit de la Veggie Pride que je partage tout à fait. Dans cet esprit on ne parle donc pas de sa propre santé, on est dans une vision altruiste. Je pense qu'il faut continuer de dire que c'est pour les animaux, évidemment parce que c'est la vérité, c'est la véritable raison, c'est LA raison, mais que néanmoins on se doit d'adresser d'une manière ou d'une autre, la réelle inquiétude d'une personne qui se demande : "mais qu'est-ce qui se passe, est-ce que je pars à l'aventure si je me mets à faire cela ?". Cela je ne sais pas bien le faire et je pense qu'il y a des manières efficaces de faire.

[Claire DERAY]

Tu pourrais dire "Etre végétarien c'est bon pour la santé des animaux non-humains et humains"

[Antoine COMITI]

C'est vrai, mais cela dit je pense pas que manger de la viande soit si mauvais que cela. C'est vrai que je pense végétarien c'est bon pour la santé. Mais je pense que manger de la viande, sans excès, comme sans excès de légumes ou autre, ce n'est pas mauvais pour la santé. Donc c'est un argument qui peut être retourné dans l'autre sens.

[Claire DERAY]

Quand tu dis "Etre végétarien c'est bon pour la santé des animaux non-humains et aussi pour nous les humains".

[Dominique LABRO]

Est-ce que tu te sens mieux maintenant du point de vue de ta santé par rapport à l'époque où tu mangeais de la viande ?

[Antoine COMITI]

Est-ce que je me sens mieux dans ma tête ? Oui. Dans mon corps ? Pas plus, pas moins.

[Laurent DERVAUX]

La position officielle de l'Association Américaine de Diététique, est un support excellent pour argumenter, pour rassurer les gens [inaudible]. Cela donne aussi des conseils, des prescriptions, qui montre que le régime végétarien en soi il n'est pas mauvais pour la santé. [inaudible]. C'est vraiment un outil efficace, et qu'on ne peut pas accuser de parti pris.

[Antoine COMITI]

Effectivement à un niveau individuel, dans une discussion, ça contribue à casser ce mythe de dire "je te passe cet article, tu le liras". La question que je me pose, c'est si il n'y a pas quelque chose à faire au niveau politique. En quelque sorte c'est ce que font déjà les mouvements végétariens... Ce mythe n'est jamais attaqué comme un mensonge, un scandale. C'est vrai qu'on peut faire passer des documents comme ceux de l'Association Américaine de Diététique, mais quand on ouvre n'importe quel journal type Marie Claire, ou FHM et compagnie, et des journaux scientifiques même, ils mettent toujours la viande dans les aliments indispensables. J'ai l'impression que c'est un combat titanesque, on est face à un barrage d'information.

Ce genre de messages, on en a partout, tous les jours, et je sais pas si il y a pas quelque chose, une sorte de scandale à dénoncer, là du coup à un niveau politique, en fait, à un moment donné, qui me semble pas être fait au niveau des mouvements végétariens. De dire, c'est un scandale de mentir, tout simplement. Bon c'est un autre combat, on a déjà beaucoup à faire ... mais il m'importe parce que je pense que c'est un frein.

[André MONTAUDIÉ]

Demain il y aura la projection d'une vidéo qui s'intitule "Manger de la viande rend malade", qui abonde dans ton sens. Ce sont des scientifiques, des médecins qui parlent. Parce que cela montre qu'effectivement il y a des scandales. La viande est toxique. Certaines associations dans la viande peuvent amener l'ostéoporose, et des troubles comme cela etc.

Parallèlement à cela il y a aussi des tracts qui montrent qu'il y a des mensonges par rapport à l'alimentation végétarienne, comme au sujet de la carence en fer, la vitamine B12, comme un certain nombre de choses qui sont dans le sens commun. Et qui montrent que par exemple une femme enceinte doit manger de la viande, etc.. Il y a un certain nombre de mensonges que l'on dénonce par rapport à cela.

[Antoine COMITI]

Je serais intéressé de le voir. Mais pour répondre avant de l'avoir vu, ce qui est une drôle de façon de faire, moi je ne crois pas que la viande rende malade, dans le sens où manger de la viande est mauvais la santé, dans la mesure où on en consomme de manière normale ; de même si on se gave de melons toute la semaine.... Je pense qu'il y a des risques à manger de la viande comme il y a des risques à manger d'autres aliments. Peut-être il y a un peu plus de risque, je ne sais pas, d'Escherichia coli et compagnie, mais je ne pense pas que c'est fondamentalement un argument sur lequel moi-même je me base. Je ne généralise pas non plus, mais moi je ne le fais pas parce que je ne le crois pas vrai, pour moi-même, du coup je préfère utiliser l'argument du fait que manger végétarien n'est pas mauvais pour la santé. Simplement, que la viande soit mauvaise ou pas, à la limite peu importe.

 

[David CHAUVET]

Tu viens de montrer des pubs, dans les magazines 'Réussir Porc', je vois qu'il y a des pubs presque antispécistes, genre 'protégez-le à sa naissance', on voit un petit cochon, ... c'est étonnant de trouver cela là-dedans.

[Antoine COMITI]

Mais les éleveurs ne veulent pas du mal aux animaux. Si ils peuvent produire plus, et effectivement comme nous ne pas travailler 70H par semaine, et assurer leurs revenus, ils ne veulent pas particulièrement leur faire du mal.

[Antoine COMITI]

[Au sujet du spécisme qui est présent en permanence autour de nous, et qui se transmet, comme un élément de la culture de notre société, de génération en génération, en particulier au sein de la famille]

Ainsi, comme dit Galilée dans le "Dialogue concernant les deux principaux systèmes du monde" où il parle de la révolution copernicienne, de l'idée que la Terre n'est pas au centre du monde : "Si vous voulez persuader quelqu'un d'abandonner une opinion qu'il a bue en même temps que le lait de sa mère, il va vous falloir des raisons puissantes".

Des raisons puissantes, comme la dénonciation du spécisme. Mais de donner des raisons, il faut se souvenir que cela ne suffit pas. Comme disait Gandhi, "Si vous désirez que quelque chose de vraiment important soit fait, vous ne devez pas simplement satisfaire la raison, mais vous devez également émouvoir". Si on ne provoque pas de l'émotion, on n'invite pas à agir.

Ces deux citations, rappelant le rôle de la raison et de l'émotion, nous ramènent à ce qu'on a vu précédemment sur l'articulation entre la défense animale et le discours de dénonciation du spécisme.

 

[Antoine COMITI]

Ma conclusion sur l'Humanisme est volontairement un petit peu provocatrice.

Le sujet sur lequel je voudrais entendre ceux qui ont beaucoup plus d'historique que moi sur l'antispécisme, plus de réflexion, c'est la position par rapport à l'Humanisme. J'ai souvent vu, y compris un article de David Olivier il y a quelque temps, suite à un livre de Florence Burgat, qu'il fallait combattre l'Humanisme par rapport à la forme spéciste qu'il a prise. Et effectivement je partage la constatation qu'il a pris une forme totalement spéciste comme on vient de le voir.

Cela dit, j'ai un autre sentiment que je ne sais pas trop comment justifier précisément, je ne cherche pas à être rationnel, j'ai donc le sentiment que la continuité qu'il y a à présenter, dans une perspective historique, ces luttes de libération, celle par exemple de l'antiracisme au travers de l'humanisme, on voit que les hommes blancs et les hommes noirs sont certes différents, mais il y a quelque chose qui les réunis, un peu simpliste, qui est la notion d'homme qui leur accorde des droits, qui fait qu'on protège leurs intérêts, et que dans une vision non seulement non-raciste et non-spéciste, on peut étendre cette vision-là, au niveau des animaux.

[Dominique LABRO]

Les différences entre Noirs et Blancs, moi ça m'amuse beaucoup. J'ai une collègue qui est africaine, on travaille ensemble, et on nous appelle les sœurs siamoises, donc je ne vois pas la différence puisqu'on est des sœurs siamoises…

[Antoine COMITI]

Vous êtes différentes, mais vous avez des choses en commun plus importantes que la couleur de votre peau. Comme les animaux humains ou non-humains qui sont des êtres sensibles dans les deux cas.

J'ai l'impression que d'attaquer de front l'humanisme, c'est absolument titanesque, c'est tellement ancré dans la société, en plus du végétarisme, en plus de l'idée que l'animal est inférieur à l'homme, etc.

Autant quand on s'attaque au spécisme, on peut en montrer le caractère négatif, c'est une idéologie qui discriminent, on parle d'utilisation des animaux, de souffrance, etc.

Autant par contre à la notion d'humanisme est attachée une image très positive. Quand on parle d'humanisme cela évoque toute une histoire d'évolutions réelles, majeures, de progrès de civilisation, de prise en compte des intérêts d'individus différents, mais qu'on prend à hauteur égale, parce qu'ils ont des choses en commun qui est plus fondamentale que leur différences.

Et comme c'est exactement la même démarche que le combat antispéciste, j'ai donc l'impression qu'il ne faut pas aller de front contre l'humanisme.

Je pense qu'en arrivant à distinguer les deux niveaux, les vrais principes fondamentaux qu'il y a derrière l'Humanisme, qui sont fondamentalement bons, et que nous-même nous reprenons (lutte contre les discriminations injustes), de la manière dont il a été dévoyé par des "faux-humanistes", peut-être en employant le terme de 'Nouvel Humanisme', on pourrait s'inscrire de manière plus explicite que cela n'est fait aujourd'hui dans un mouvement de pensée profond de la civilisation occidentale, qui a lui-même une dynamique propre (et qui continue aujourd'hui avec par exemple le droit d'ingérence), mouvement dans lequel on pourrait donc s'inscrire.

 

Interventions faites suite à la présentation sur le spécisme

[David OLIVIER]

Je vais pas revenir sur tout. Je pense que de toutes façons le mouvement par rapport aux animaux, ce sera un mouvement pluriel, et que différentes personnes peuvent développer différents arguments, bon je dis cela par rapport à l'Humanisme, je suis tout à fait d'accord que si le mouvement entier était encadré par "il faut tous qu'on dénonce l'Humanisme", ça n'irait pas, je pense que c'est difficile à entendre, mais je pense aussi qu'il faut une dénonciation de l'Humanisme, je pense qu'il faut un discours antispéciste, etc.. Ce n'est pas que pour faire nombre, c'est aussi parce que je pense que c'est juste que les personnes qui n'ont pas forcément une conscience antispéciste, ou qui ne sont pas d'accord avec cela, et qui veulent agir, puissent agir aussi.

Donc dans tout ce que tu as dit, j'ai rien à redire. Je trouve particulièrement intéressant quand tu parles qu'il vaut mieux parler de spécisme que d'antispécisme. Effectivement parler d'antispécisme, c'est se positionner, peut-être s'auto marginaliser. Et que de parler d'emblée de spécisme, même si plus difficile ; la marginalisation elle est aussi un refuge d'une certaine façon. C'est une façon de se protéger, "on est antispéciste, on a une théorie bizarre qu'on va vous expliquer maintenant", alors que parler de spécisme, c'est parler d'eux, c'est dire "nous sommes tous ensembles dans une même société, voici l'idéologie spéciste que nous avons bu avec le lait de notre mère et qu'on va essayer d'analyser ensemble. Je trouve cela très bien.

Cette présentation -tu l'as terminée hier soir, tu n'as donc pas pu encore l'utiliser telle quelle- je trouverais intéressant, si elle peut être diffusée, qu'elle soit à la disposition des gens.

[Dominique LABRO]

D'abord quand on dit c'est de l'humanisme, moi ça me choque, car moi personnellement, je décide, par une réflexion intérieure, je décide quelque chose, c'est parce que j'ai réfléchit dessus, que j'ai bien pensé, ma sensibilité a joué dedans, c'est pas telle philosophie, telle parti, ou telle chose qui m'a influencé. Les hommes devraient se dire, la faute à qui, si j'ai telle façon d'agir, c'est qu'il n'a pas réfléchit, qu'il ne s'est pas posé la question, qu'il n'a pas fait état de son libre arbitre, si c'est pour imiter l'humanisme, pour dire l'humanisme c'est très bien parce que c'est un grand chef qui nous l'a dit, je trouve que c'est de la connerie.

Deuxièmement, tu dis que on a besoin de la vivisection animale pour faire des médicaments

[Antoine COMITI]

Je n'ai pas dit cela

[Dominique LABRO]

Enfin un petit peu…

[Diverses voix dans l'audience]

Non il n'a pas dit cela !

[Dominique LABRO]

Tu l'as dit "quelque fois…"

[Antoine COMITI]

Alors disons que je l'ais dit, mais que je ne l'ai pas pensé, alors ! En général, j'essaye pourtant de dire ce que je pense, et de penser ce que je dis !

[Dominique LABRO]

J'ai lu un livre qui était pas du tout contre la vivisection, et qui s'en fichait totalement de la souffrance animale et de la souffrance humaine, quelqu'un qui s'appelle 'Pignard' qui est professeur de psychotropes à Paris 8, et qui a [inaudible] dans des laboratoires pharmaceutiques, qui dit que depuis 20 ans, 30 ans il n'y a plus de médicaments nouveaux, et que les seuls qui ont été découverts au point de vue des psychotropes, c'est malheureusement, tristement mais enfin il faut le citer quand même, entre les années 40 et 70 où les chercheurs n'ont eu aucune prise de conscience, ils ont fait les essais sur les malades eux-mêmes, sur les patients, sans leur dire, et là ils ont quand même découvert quelques petites choses, mais quand ils ont essayé sur des animaux, rien du tout. Donc il faut savoir que en aucun cas, comme dit ProAnima, l'animal peut être un modèle pour l'homme et si on croit cela, je crois qu'on a pas beaucoup réfléchit. Et comme dit Science et Vie, il y a des médicaments qui tuent, les médicaments qui ne font rien, et les médicaments qui soignent. Quatrième cause de mort en France, il ne faut pas l'oublier.