Le progrès moral — compte-rendu de Sara

Pierre Sigler – Le progrès moral

27 juillet 2014, 10h. Voir dans le programme ici.

Bref panorama de la violence.

Dans la Bible, la Rome antique

Un extrait dans la Bible (réf. morale et religieuse) : « ils tuèrent tous les mâles (…) firent prisonnières les femmes (…) pillèrent leurs richesses (…) prirent tout le butin ». Moïse s'irrite contre eux mais leur propose de laisser la vie aux filles vierges.

Dans la Rome antique, on torturait en public lors des procès. L'équivalent du code de processus pénal décrivait de long en large les supplices utilisés. À côté de ça, les gens torturaient régulièrement les esclaves, les femmes, les enfants, les élèves, les soldats...

Au bord des voies romaines on trouvait souvent des crucifiés, même pour des délits de droit commun (Jésus est crucifié à côté de deux voleurs, par exemple). Selon Tacite, quand le crime était sérieux, on exécutait aussi ses proches, en public. De plus, pendant leur temps libre, les gens allaient aux jeux du cirque. Pourtant, beaucoup d'auteurs latins reprochaient aux barbares, aux Germains notamment, leurs pratiques cruelles.

Au XXe siècle

Image de lynchage en 1920 à Duluth : une foule de dix mille personnes lynche deux hommes noirs à cause d'une rumeur.

Image de lynchage en Indiana en 1930 : deux hommes noirs ont été sortis de la maison d'arrêt pour qu'on les pende. Les gens sur la photo posent, sont souriants, à côté des deux pendus.

Publicité pour du café en 1952, un homme bat sa femme car elle a acheté la mauvaise marque de café.

Les raisons du scepticisme de certains sur la baisse de la violence vient du fait qu'on ne connaît pas bien le passé, hormis le XXe siècle et on parle beaucoup de la violence dans les médias.

Le processus du pacification

Par rapport aux sociétés pré étatiques, les sociétés étatiques ont vu les chiffres de mort violente divisés par trois. La pire est l'empire aztèque aux XIV et XVe siècles.

Chaque trait correspond au nombre de victimes pour 100 000 habitants. C'est plus élevé dans les sociétés pré-étatiques (= sans état central, sans police, société de chasseurs cueilleurs).

Même si on compare avec des pays au pire moment de leur histoire, comme l'Allemagne au XXe siècle ou la Russie au XXe siècle, la probabilité d'être assassiné était moindre.

Chez les Inuits, peuple réputé pacifique, il y avait 100 homicides pour 100 000 personnes aux XIXe et XXe siècles, beaucoup plus qu'aux États-Unis lors de la décennie la plus criminelle (1990) (= environ 10 homicides pour 100 000 personnes).

Depuis le bas Moyen Âge, vers le XIVe siècle, déclin du taux d'homicide en Europe. (cf. Norbert Élias).

Le taux d'homicide était supérieur à 50 ou plus au XIVe siècle, 30 au XVIe siècle et aujourd'hui.
À l'heure actuelle dans le monde, le taux d'homicide est de 8,8.

Le monde actuel est 40 fois moins violent.

Norbert Élias a écrit dans les années 30, pendant son exil au Royaume-Uni, il était juif allemand. Il se base sur des images, des scènes de la vie quotidienne.

On voit par exemple un homme qui décarcasse un cheval, une potence, un supplicié de la roue dévoré par un corbeau, des soldats qui arrivent...

Autre image, quelqu'un qui se fait tuer dans une église, des maisons auxquelles on met le feu...
Cela a conduit Norbert Elias à se rendre compte que le Moyen Âge était violent. Il a observé des évolutions. Au XVIe siècle, un manuel de savoir vivre de Érasme donne des conseils aux nobles de province qui veulent aller à la Cour du roi de France : ne pas uriner sur la porte de la chambre du roi, ne pas se curer les dents avec un couteau, faire attention aux flatulences... On note un développement du self-control. Les causes : fin des conflits entre vassaux, renforcement de l'État central. Les nobles ne combattaient plus dans les provinces mais allaient courtiser le roi à Paris. De nombreux conflits sont gérés par les tribunaux.

Ce processus fluctue. Il y a des zones où la présence de l'État est plus faible et où les gens ont gardé l'habitude de régler leurs conflits eux-mêmes (Far West, Corse, Albanie...) et le mythe du justicier personnel perdure notamment quand il y a un affaiblissement des institutions.

L'âge des Lumières

On a vu le recul de différentes pratiques comme les sacrifices humains. Au XVe siècle il y avait 40 personnes par jour sacrifiées de manière barbare (ablation du cœur avec un silex). En tout 4 millions de personnes ont été sacrifiées. En Inde, on sacrifiait les veuves pour les enterrer avec leur mari. En Europe, on a vu la fin de la chasse aux sorcières. Entre 60 000 et 100 000 sorcières ont été torturées et tuées jusqu'au XIXe siècle. Dernière exécution : 1882 en Suisse.

De nombreux délits étaient punis de la peine de mort : fréquenter les gitans, perversion chez les enfants de 7 à 14 ans, adultère, bestialité, accoucher en cachette, révolte d'esclaves, couper un arbre qui ne nous appartenait pas. Le procès durait 8 minutes 30 en moyenne.

Il y avait les exécutions publiques mais aussi des jeux qui consistaient à torturer des animaux. Il y a eu aussi beaucoup de dénonciations moralisantes, d'appel à la vertu (Voltaire, Montesquieu...) mais elles restèrent sans effet. Beccaria a publié Des délits et des peines en 1764. La seule chose qui justifiait les peines était de dissuader tout en s'assurant que le mal évité par la société est plus grand que le mal infligé au condamné. Les peines doivent être proportionnelles. La probabilité d'une punition est plus importante que son intensité. Si la probabilité d'une peine est faible, même si elle est horrible, elle n'est pas dissuasive. Il qualifie la peine de mort de ni utile ni nécessaire. Il rejette la justice rétributive. Il prône une justice rationnelle et préventive. Cela a donné naissance à un mouvement de réforme politique et judiciaire. À partir de sa publication, il y a eu une abolition des peines cruelles. Le débat sur la peine de mort est apparu alors qu'avant il y avait un consensus favorable. Au XXe siècle il y a eu abolition de la peine de mort elle-même mais même avant cette abolition effective, certains pays avaient arrêté de l'employer. Même aux États-Unis, il y a eu un fort déclin depuis 1925. C'est dû au fait qu'il y a moins de crimes mais aussi parce que les institutions judiciaires ont perdu leur appétit pour les exécutions.
Quelles sont les causes de cet âge des Lumières ? Est-ce que c'est parce qu'ils se sont enrichis que les gens ont accordé plus d'importance à leur vie ? L'explication plus probable est l'alphabétisation. La moitié de la population était alphabétisée. Les œuvres de fiction ont provoqué un développement de l'empathie.

Le XXe siècle fut-il le plus meurtrier ?

Cette affirmation n'est pas fondée sur des comparaisons. Il est difficile de faire le décompte des victimes du passé mais on a quand même quelques données. Cette affirmation est due à la myopie historique (bcp plus de livres d'histoire au XXe qu'aux autres siècles). Il y a aussi une indifférence à la violence avant le XXe siècle, les massacres étaient la norme ou bien les gens étaient fatalistes.

Tableau sur les tragédies les plus meurtrières :

Premier tableau en valeur absolue, deuxième tableau en proportion : lors de la révolte d'An Lushan au VIIIe siècle, deux tiers de la population a été tuée.

Si le XXe siècle est connu comme le siècle des génocides c'est parce qu'a émergé une conscience de l'horreur du génocide. D'ailleurs le terme est apparu au XXe siècle, ce qui veut dire qu'avant on massacrait des populations entières sans s'émouvoir particulièrement.

Il y a des fluctuations. Beaucoup d'idéologies s'opposent aux Lumières : économique, nationaliste, autoritariste, militantiste, raciste, complotiste (grand essor au XIXe siècle). Tout cela a eu des conséquences jusqu'au XXe siècle.

La décivilisation, la recivilisation

Il y a eu une augmentation de la violence dans les années 1960 et une diminution dans les années 1990. Une explication possible : Durant les années 60, bcp de contestations (mvt d'émancipation, marxisme, opposition aux guerres coloniales) donc défiance envers le pouvoir, remise en cause du mode de vie bourgeois (alors qu'il avait été vecteur du processus de civilisation). On glorifiait la violence révolutionnaire. Toutes les normes arbitraires d'obéissance ont été mises en cause et pas remplacées par des normes meilleures. La police et la justice sont redevenues efficaces dans les années 1990, avec des excès puisque les peines de prison se sont alourdies. Il y a eu la recivilisation. Les idéologies des années 60 ont cessé d'être à la mode (notamment communismes révolutionnaires), les progrès du féminisme ont contrecarré les viols (qui étaient banalisés avant), l'empathie et le self control ont été valorisés. Le tabou du politiquement correct a été considéré comme un outil pour contrôler le racisme, le sexisme...

Kaswouters a identifié trois normes : la norme ?, la norme sociale, la norme éthique.

La longue paix

Depuis 1953, il n'y a plus de guerre entre les grandes puissances, plus de guerre dans l'Europe de l'Ouest et une réduction drastique dans les pays riches (exception avec l'intervention de l'OTAN au Kosovo). La durée des guerres a également diminué.

Sous l'Ancien Régime, les grandes puissances étaient en guerre quasi permanentes : guerre de 30 ans, napoléoniennes...

La nouvelle paix

À partir de 1989, y compris dans les pays du Tiers-Monde, le nombre de conflits a baissé. Il y a une diminution du nombre de morts par conflits et par an : 10 000, 30 000, 50 000.

Comment expliquer ce processus ?

Kant a proposé trois manières de promouvoir la paix : la démocratie, le commerce et la communauté internationale. La démocratie divise par six le risque d'entrer en guerre, plus un pays est ouvert sur l'extérieur, moins il est en guerre, participer à des unions internationales réduit le nombre de guerres étatiques et civiles.

La révolution des droits

Les livres contenant les termes suivants : « droits civils », droits des femmes », droits des enfants », « droits des animaux » ont été comptabilisés. Le graphique montre que toutes les courbes convergent.

Droits des animaux

Il y a eu des progrès symboliques et sectoriels mais pas globaux. La violence directe est en diminution. Il y a une augmentation des végétariens dans les pays occidentaux, un développement de la sensibilité à l'égard des animaux. Au Moyen Âge, les animaux étaient tués sur la table (sauf le gibier), c'était un honneur de le tuer. Petit à petit, le travail de meurtre puis de découpe a été relégué à la cuisine, puis finalement au boucher. Norbert Élias dit que nos contemporains achètent des morceaux bien découpés et qu'ils ne voient plus l'animal qu'il y a derrière (dans les années 30). À la Cour de Prusse au XIXe siècle, on consommair un kg de viande par personne et par jour.

Psychologie de la violence et de l'éthique

Théorie controversée par tous les psy : il y a une quantité de violence chez les humains qui doit être déversée d'une façon ou d'une autre.

Il y a des dispositions négatives (dominance, certaines idéologies, racisme...) et des dispositions positives (empathie, self-control, sens moral ou raison).

Les raisons non confirmées sont la puissance de l'armement, la prédation des ressources naturelles, la richesse et la religion. La religion peut causer des dommages (terrorisme, inquisition, croisades...) mais parfois la religion a des effets positifs (églises noires aux US, le bouddhisme a fait renoncer aux Tibétains d'avoir recours à la guérilla armée).

L'empathie est à la base du sens moral. Le fait d'être exposé tout le temps à la violence accoutume les gens à vivre dans un environnement violent et à être soi-même violent. C'est dans les pays où il y a le moins d'accidents de voiture que les gens sont les plus choqués. L'empathie est limitée : les gens compatissent mais la compassion s'épuise rapidement. Smith, le philosophe écossais, dit qu'on serait beaucoup plus empathique avec soi-même si on devait perdre son doigt que si tous les Chinois mouraient en une nuit.

Quand il y a beaucoup de victimes, on montre moins d'empathie que quand il n'y en a qu'une seule.
Les intuitions morales sont parfois utiles mais pas forcément justes. Le sentiment de futilité (= moins compatir quand il y a beaucoup de victimes) peut avoir un sens dans une société de chasseurs cueilleurs car on ne pouvait pas venir en aide à tout le monde. On ne vivait pas dans une société à échelle mondiale.

La raison de fond au progrès moral : la raison

La raison égoïste

Le problème du prisonnier :

- Si tu dénonces ton complice et qu'il ne te dénonces pas, tu sors de prison et il fait dix ans de prison

- Si tu le dénonces et lui aussi, vous faites cinq ans de prison chacun,

- S'il te dénonce et que tu ne le dénonces pas, tu fais dix ans de prison et il sort,

- Si personne ne parle, vous faites six mois de prison chacun.

Comment résoudre le problème du prisonnier ?

L'altruisme, le Léviathan, le commerce (si les autres pays sont des partenaires commerciaux on a bcp à perdre en rompant les relations commerciales et en rentrant en guerre), la féminisation (les auteurs de violence en général sont souvent des hommes jeunes) ; le statut de victime a cessé d'être déshonorant, celui de bourreau n'est plus glorieux, dans le passé, les victimes de génocide se taisaient.) On est passé du droit du plus fort à l'idée que le pouvoir implique des responsabilités.

La raison éthique

La raison est mise au service de la réflexion morale. Smith propose une variante de son expérience de pensée : supposons qu'on donne le choix à l'Européen : si on lui demande de sacrifier son petit doigt pour que tous les Chinois ne meurent pas, il y a de grandes chances qu'il sacrifie son petit doigt. Ce n'est pas l'empathie mais la conscience de ne pas valoir mieux que les autres, l'élément rationnel qui nous guide à agir moralement. C'est également l'alphabétisation qui a permis l'expansion du cercle de la sympathie. Dans le cas des peines cruelles, l'appel à l'humanité n'a pas eu de résultats (Voltaire et Montesquieu lors des Lumières) et c'est Beccaria avec des arguments rationnels qui a fait avancer les choses et aussi le faiblissement des superstitions.

Les premières féministes ont dit que les arguments contre l'esclavage s'appliquait aussi aux femmes.

Pourquoi pas plus tôt ?

L'alphabétisation est un phénomène relativement récent, la démocratie permet d'énoncer des arguments, la libéralisation. Flynn s'est aperçu que le QI moyen a augmenté de trente points en un siècle. Le Français moyen d'aujourd'hui qui ferait un test de 1912 serait considéré comme surdoué. Ça ne veut pas dire que les gens du XIXe siècle étaient idiots, mais ils avaient une intelligence concrète et avaient du mal avec l'abstraction. Flynn avait discuté avec son père qui avait des préjugés racistes, il lui disait : « si tu te réveilles et que ta peau est noire, est-ce que tu vaudrais moins ? » et son père ne comprenait pas, n'arrivait pas à faire cet effort d'imagination. L'abstraction permet de raisonner moralement.

Il y a eu aussi l'éradication de la carence en iode qui provoquait le crétinisme chez les enfants. On vit aussi dans un environnement plus riche en symboles, plus imprégnés des concepts scientifiques. L'augmentation du QI a eu un effet positif sur le progrès moral. À la suite de tests psychologiques et après correction des facteurs de confusion, le QI est inversement corrélé à la propension à commettre des crimes violents. Au sein d'un même pays, on observe ce phénomène. Les gens qui ont un score de QI élevé ont plus tendance à coopérer dans des cas comme le dilemme du prisonnier.

Leçons à tirer

Le progrès n'est pas automatique et continu. L'existence d'arguments rationnels fait changer les choses. Par exemple, la pratique des pieds bandés est absurde : les parents doivent bander les pieds de leur fille quotidiennement, c'est douloureux, dangereux, les femmes à l'âge adulte ont une productivité moins élevée... La pure logique devrait conduire tout le monde à arrêter de bander les pieds des petites filles. Il a fallu un militantisme de type politique avec des interdictions pour arrêter cela.

Le progrès se fait pas réforme successive et pas par une grande révolution. On ne peut pas convaincre quelqu'un de la nécessité de la peine de mort quand il applaudit aux supplices du condamné. Il faut déjà arrêter les supplices pour que les gens perdent leur insensibilité aux supplices. Pour l'abolition des gladiateurs, il a fallu un siècle de lois successives. D'abord on a dit que ceux qui sont condamnés à devenir gladiateurs, seront condamnés à venir travailler dans les mines, puis les écoles de gladiateurs ont été fermées à Rome, puis on a interdit les combats de gladiateurs et, encore, ça n'a pas été appliqué tout de suite.

Les petites réformes ne démobilisaient jamais les militants. Le changement vient de minorités actives. Au début du XVIIIe siècle, pas d'opposition notable à la peine de mort. Par la suite, naît une controverse entre une minorité et la majorité qui est pour. Cette minorité s'oppose à la majorité et impose l'abolition. On se rend compte que rien de grave ne se passe, ce n'est pas plus un débat d'actualité, ce n'est plus payant électoralement, personne ne veut rouvrir le débat sauf des extrémistes qui renforcent le consensus.

L'hypocrisie est bon signe. Tous les progrès ont commencé par l'hypocrisie. La courtoisie était hypocrite : plaire au roi et pouvoir intriguer pour défendre son intérêt, la galanterie, respect formel des femmes qui n'incite pas à grand chose. C'est tout de même un signe que l'oppression ne va plus de soi.

Discussion collective

Yv : Assimiler progrès moral et baisse de la violence doit être justifié. Depuis les années 1970, la misère augmente dans certains pays du tiers-monde. Peut-être un autre critère pour évaluer le progrès moral serait le taux de pauvreté ou de misère. Tu n'as par exemple pas parlé de la colonisation quand tu évoquais la baisse des homicides.

Pierre Sigler : Dans mon exposé, je ne parlais que de l'Occident. J'ai listé la colonisation dans les guerres.

Yv : Tu disais que la prédation pour les ressources naturelles n'était pas une cause importante d'homicide. Alors que la plupart des guerres ont ces raisons.

Pierre Sigler : La colonisation était plus de la violence de domination, pour le prestige.

Bl : Comment classes-tu la guerre au Congo aujourd'hui ? La vraie raison de la guerre est bien une prédation des ressources naturelles.

Pierre Sigler : Une fois qu'une guerre est commencée, on prend les ressources mais ce n'est pas ce qui justifie la guerre. Ça peut servir de prétexte mais les arguments s'avèrent faux après. Les pays coloniaux ne se sont pas enrichis du fait de la colonisation.

Je : Quand tu parles de violence, tu parles de violence officielle. Tu ne parles pas de violence économique.

Ch : Durant l'esclavage, les gens achètent des produits de l'esclavage. Aujourd'hui, en Thaïlande, les produits de pêche sont des produits de l'esclavage. Or, tout le monde les achète sans problème.

Do : Dans le passé, l'homme était un objet pour l'homme, il y avait moins d'identification possible. On étudie les phénomènes de violence dans la société. Les progrès en identification individuelle qui ont été faits sur la sensibilité des individus sont un facteur de progrès.

Pierre Sigler : L'habitude que les gens ont d'analyser les phénomènes avec l'œil du psychologue ont permis le progrès.

Ba : Je pense que la raison principale d'une guerre est économique. Les deux guerres mondiales ont existé parce que le capitalisme n'arrivait plus à s'étendre donc on a tout détruit pour tout reconstruire. C'est l'unique raison des guerres. Tu te représentes le progrès moral dans un monde libéral ou le commerce serait une source d'entraide entre les sociétés. Ça me semble une contre-vérité.

Pierre Sigler : Il y avait une raison économique aux guerres jusqu'au Moyen Âge quand la terre était une source de richesse. Quand le commerce s'est développé, ça n'a plus été un facteur.

Cé : Ta conférence m'a appris pas mal de choses et m'a fait du bien. Est-ce que des études avaient été faites sur des personnes sensibles à la cause animale ou végétarienne ? Sont-elles moins violentes ?

Pierre Sigler : Je n'ai pas connaissance des études spécifiques sur le sujet. (Ce sera le thème de la conférence de cet après-midi)

Da : Je suis très content de ta conférence. Je pense que c'est un bon contrepoids à l'économisme dont on est imbibé avec l'idée que c'est forcément la base matérielle purement économique et égoïste qui mène le monde. C'est un gros débat mais cette idée est très dominante parmi bcp de gens alors que tout progrès moral n'est pas illusion. Les motivations altruistes sont très importantes dans l'histoire du monde.
Quand on parle de nos difficultés à faire avancer la cause animale, on dit toujours que c'est à cause des lobbies. Or, ils jouent un rôle mais ça ne fournit pas une explication suffisante.

Sy : Si on considère que les ressources sont ce dont on a besoin, on peut dire que les guerres ne sont pas pour des ressources. L'exposé fait énormément de bien car on voit l'évolution sur le long terme, on a tendance à voir des idées fausses. J'ai une critique : dans tes diagrammes, on voit deux facteurs mis en corrélation mais l'un n'est pas forcément la cause de l'autre. Par exemple, l'évolution du commerce est corrélé avec l'évolution du conflit mais il n'est pas la cause de la diminution de la violence.

Pierre Sigler : Si, entre autres. Un pays qui commerce avec l'extérieur n'a pas intérêt à attaquer un pays avec qui il est en commerce.

Au : Je n'avais jamais lu que l'élite était plus progressiste que le reste de la population. Sur le QI et sa corrélation de la violence, il faut aussi voir que les personnes qui ont accès aux jeux abstraits ont été moins confrontés à la violence, leur violence est moins dénoncée.

Pierre Sigler : Le QI n'est pas une propriété immuable. Ceux qui ont un QI élevé ont bénéficié d'un environnement symbolique, d'une instruction élevée mais les biais statistiques ont été corrigés donc même dans une même classe sociale ou à un même niveau d'étude, on observe cette corrélation. Ce qui permet de faire des raisonnements moraux est l'intelligence abstraite. En soi, le fait de développer cette intelligence abstraite aide le point de vue impartial.

Pa : Sur l'aspect matérialiste de la chose, je me suis demandé si ces progrès moraux se sont faits suite à du militantisme. Ça conduit à créer des lois qui sont les progrès de la morale. Mais on peut dire que les valeurs des gens changent après que les lois sont passées.

Au : Il y a eu beaucoup de graphiques et de chiffres mais pas de sources, alors qu'un graphique sans source n'a pas de valeur. Selon les sources qu'on choisit, on aura des informations différentes.

Pierre Sigler : Je les écrirai dans le PDF qui sera en ligne. La plupart des graphiques viennent du livre de Pinker.

Gr : De quel point de vue s'expriment les statisticiens dont tu parles ? Car tu valorises les institutions dans ton exposé, les statistiques justifient le système actuel. Il y a pourtant beaucoup de misère, de souffrance dans le monde donc où est le progrès moral ?

Pierre Sigler : On a un fort sentiment que le monde actuel est violent parce qu'on connaît moins le passé. Je me suis basé sur des violences quantifiables, pas des violences symboliques ou audiovisuelles. Je ne dis pas que toutes les violences ont baissé. Effectivement, l'élevage industriel a augmenté.

Ch : Le fait qu'il y ait un processus qui mène vers moins de violence est vrai mais pour nous démontrer ça tu n'as pris que les guerres et les meurtres et tu a zappé les autres formes de violence. J'ai l'impression d'une omission volontaire et ton discours me semble moins crédible. Il y a une différence entre les homicides et la violence.

Pierre Sigler : Je n'ai pas parlé que des guerres et des homicides. L'homicide est un marqueur objectif de la violence. J'ai quand même abordé les réformes législatives, la violence de la publicité. Je me suis basé sur du quantifiable. J'ai fait exprès de ne pas avoir une définition trop large de la violence. Par exemple, je n'ai pas évoqué la mortalité infantile. Quand il y avait une cause politique à la famine, je l'ai inclus dans les chiffres.

Do : Le QI repose sur des facultés cognitives. Il y a aussi le QI émotionnel élaboré en 1985. Le bien-être des équipes qui travaillent ensemble repose davantage sur le QI émotionnel. QI et QI émotionnel ne sont pas forcément en corrélation. Le QI émotionnel est une version qu'on peut prendre en compte.

Da : Le titre de l'exposé était « progrès moral » cela ne se traduit pas forcément dans les résultats. Il y a plus de violence aujourd'hui qu'il y a un siècle car il y a l'élevage des animaux et le nb d' êtres sentients tués est largement supérieur. Par contre, si on prend en compte l'intention, on voit qu'il y a de nombreux mouvements qui remettent en question ce que subissent les animaux, c'est un énorme progrès. Si on raisonne à court-terme on peut remettre en cause ce que dit Pierre. Si on se place dans une perspective à long terme, la thèse de Pierre est tout à fait validée.

Pierre Sigler : Même si vous pensez qu'une baisse a été compensée par une autre égale, il faut quand même expliquer la baisse.

Yv : Récemment, j'ai vu un bouquin qui fait la même analyse que Pierre, c'est Plaidoyer pour l'altruisme.

(Quelqu'un annonce que le repas est servi. Tout le monde part.)