David Olivier - Veggie Pride

Veggie Pride

Cette manifestation de la fierté végétarienne et végétalienne a déjà connu deux éditions (www.veggiepride.org). Ses organisateurs rappelleront en quoi elle consiste. On débattra ensuite des critiques qui lui sont parfois adressées : Est-il judicieux de faire du végétarisme un thème central de la lutte animaliste ? Est-il gênant de parler de « fierté » ? Faut-il se plaindre de la végéphobie subie par les végétariens, qui est si peu de chose comparée aux souffrances qu'endurent les animaux ? Etc.

Relecture du thème du débat.

David Olivier : Cette manifestation, pour moi elle est juste,
je m'illusionne peut-être mais j'y mets beaucoup de moi même et aussi de mon
évolution au niveau politique, au niveau de la manière dont je pense qu'il faut
faire de la politique et avec le sentiment qu'il y a un certain nombre d'idées
qui sont nouvelles, en tout cas pour moi elles sont nouvelles et j'ai le
sentiment qu'elles ne sont pas pratiquées sur la place publique... traditionnellement,
la lutte antispéciste telle que je la mène depuis des années, avec d'autres
personnes dans les cahiers antspécistes ou ailleurs, on a un point de vue sur
l'antispécisme et l'antispécisme dans un certain cadre. L'antispéciste qui est
d'abord une théorie assez radicale, assez intransigeante dans un certain sens,
c'est à dire, c'est la notion d'égalité, une notion qui est assez difficile à
avaler pour beaucoup de gens, aussi on a placé l'antispécisme dans un cadre de
politique de gauche disons, comme étant en cohérence et en continuation avec
l'antiracisme, l'antisexisme, en continuité avec d'autres luttes de libération
donc, et avec d'autres éléments, l'antinaturalisme, c'est à dire le fait de
considérer que la lutte des animaux n'est pas à plonger dans une lutte générale
pour la nature, pour l'écologie, qu'elle s'en différencie de façon très nette,
bon avec une critique aussi de l'humanisme, toute une série de points. Il se
trouve qu'il se rassemble sur cette série de points relativement peu de personnes.
A partir du moment ou on a un discours extrèmement carré qui couvre beaucoup de
point, il y a très peu de personnes qui se reconnaissent la dedans, en même
temps le végétarisme on le voyait comme essentiel mais dans ce cadre-là. J'ai
pensé qu'on pouvait au lieu de ça considérer qu'on pouvait se rassembler avec un
grand nombre de perssonnes qui ne pensent pas comme nous sur tous les points
mais qui pense comme nous réellement sur un point et que ce point-là, il
fallait le mettre en avant. Ce point étant le végétarisme pour les animaux,
c'est à dire le fait de ne pas tuer des animaux . On s'est toujours méfié de ne
mettre en avant que le végétarisme, de façon un peu exclusive, parce qu'en on
regarde les associations végétariennes par exemple, on voit qu'elles ont
tendance de façon général à parler de tout sauf des animaux. Elles ont tendance
à mettre en avant la santé, le tiers-monde, l'écologie, la spiritualité mais
toujours les animaux en dernier d'une certaine façon, comme étant un peu la
cerise sur la gâteau, la chose en plus, alors que pour moi, quand on parle de
végétarisme, implicitement ou explicitement, on parle des animaux parce que le
végétarisme c'est d'abord le refus du massacre des animaux, exactement de la
même façon que si on dit que je suis contre Auschwitz, on est contre la
souffrance et la mort qui ont été imposées aux personnes qui ont été tuées à
Auschwitz. Dire je suis contre Auschwitz parce que ça polluait, c'est un
détournement, c'est quelque chose qui n'est pas juste. Pour moi, dire je suis
contre l'abattage des animaux pace que ça pollue, c'est la même chose. Je pense
que profondément toutes les personnes qui sont végétariennes sont
fondamentalement végétariennes pour les animaux, mais que les autres raisons,
d'une certaine façon, la nature, l'écologie, la pollution, la santé et tout ça,
c'est une sorte de prétexte, ça a un peu une fonction d'euphémisme. On dit le
végétarisme c'est bon pour la nature, en fait le végétarisme c'est bon pour les
animaux, c'est bon pour la santé, c'est bon pour les animaux. C'est des façons
de détourner l'attention de ce que tout le monde sait qui est que le
végétarisme dans le fond, c'est le refus de cette discrimination.

Alors pour moi la Veggie pride, ça consistait à dire haut et
clair des choses qui sont vraies que tout le monde sait finalement. Le dire
haut et clair, sans prendre des gants, sans périphrases, c'est à dire de faire
à un certain niveau des choses très radicales mais en même temps à un autre
niveau très inclusives, c'est à dire qui permet d'inclure beaucoup
de gens. La Veggie Pride pour moi, ce
n'est pas une manifestaion antispéciste, ce n'est pas une manifestation qui
réclame l'égalité entre les êtres humains et tous les autres animaux. Quelqu'un
peut venir à la Veggie Pride parce qu'elle refuse de faire tuer des animaux
pour sa nourriture, tout en étant spéciste, tout en pensant que les autres
animaux sont moins importants que les êtres humains malgré tout, etc. C'est un
mouvement de protestation pour moi qui est fondamental. Rompre à la fois
l'habitude de faire des petits groupes qui se reconnaissent sur 2-3 choses et
puis en même temps dire les choses de façon très claires et sans concessions.
Bon, les autres points qui concerne la Veggie Pride ne m'intéressent pas bien.

Anne : Sur le point médiatique aussi, que ce soit un
moyen de passer dans les médias plus facilement que l'antispécisme par exemple.

David Olivier : Disons que pour moi, c'était même pas
une question immédiate d'aller
chercher les médias, c'était que l'idée de la Veggie Pride, pour moi, c'est
devenu quelques chose d'évident quand il y a eu les histoires d'abattage en
masse, que dans la société, on sentait qu'il y avait une espèce de vague de
honte, on a honte de voir ces images, on a honte de voir ce qu'on est en train
de faire...

Yves : Tu parles de la vache folle là, des abattages
de la vache folle...

Anne : Des charniers qu'on voyait à la télé...

Sofiane : On a honte pour les animaux ?

Anne : On sentait que les omnivores avaient un peu honte de se dire
que : « c'est quand même un peu à cause de nous si tous ces animaux
sont massacrés en masse...

Sofiane : Ils pensaient pas du point de vue de l'animal, ils pensaient
du point de vue de la nourriture, du gaspillage de la nourriture...et puis au
point de vue éthique aussi, c'est mal d'avoir nourri la vaches avec des farines
animales, pas du point de vue de l'animal.

David Myriam : Ce qui les a gêné aussi c'est le raprochement posible
entre les massacres humains, c'était tellement évident que ça ressemblait à des
génocides divers qui ont eu lieu dans le passé ou maintenant.

David Olivier : Ca leur sautait aux yeux et je me suis dit mais pourquoi
est ce que, alors toute la société à honte de ça, il y a un certain nombre de
gens dont on ne parle jamais qui sont les végétariens et qui ne participent pas
à ça et qui n'ont pas à avoir honte de ça. Donc d'une certaine façon, les
végétariens on en parlait tout le temps, implicitement, par le fait d'en avoir
parlé en creux d'une certaine façon, puisqu'on parlait des massacres, on
pointait du doigt ces horeurs, on disait : « regardez ce qu'on fait,
c'est horrible, on se posait la question de manger de la viande ». A aucun
moment dans l'immédiat, on a entendait dire : « mais quand même, il y
a des gens qui ne le font pas, il y a des gens qui ont les mains propres par
rapport à ça, qui n'ont pas à avoir honte ». Je me suis dit qu'il faut
qu'on le dise, qu'on parte sur la place publique, et qu'au lieu de faire de la
politique en se disant : « nous on est notre petit groupe et on... est
société, ce sont des gens qui ne sont pas comme nous, qui n'ont pas compris,
etc. aller sur la place publique et d'une certane façon le fait de déclarer
notre fierté, pour moi, c'était un acte de volonté de dialogue avec l'ensemble
de la société. C'est à dire, dire à l'ensemble de la société : « nous
sommes fiers de ce que nous faisons, c'est quelque cose de tout petit, c'est
arrêter de manger de la viande mais, c'est quelque chose d'énorme, vous tous,
vous pouvez le faire, c'est quelque chose que n'importe qui peut
faire », et un peu comme un gamin qui a fait quelque chose de bien,
nous on se présente dans la société et on dit : « on est fier de ça,
vous comprenez que vous avez honte, vous le savez même vous même que vous avez
honte de tuer ces animaux et nous on va le déclarer devant tout le monde. Donc
quelque chose qui à la fois ne se référait pas aux classifications politiques
habituelles, a des groupements sans non plus les nier. C'est à dire à la Veggie
Pride, les personnes qui pensent ceci ou cela continuent à le penser mais en
même temps en disant que sur cette chose qui est très importante, qui est les
animaux, et je pense que pour la première fois ça a été mis sur le devant de la
scène, c'est à dire l'importance de ce massacre, le refus de ce massacre, le
massacre principal, ce dont souffre le plus les animaux dans la société, c'est
la viande, le refus de ça, il fallait le mettre sur la place publique. Cette
Veggie Pride a été lancée, pour moi il y avait une certaine définition de la Veggie
Pride que j'avais envie de faire qui impliquait cette notion de fierté, qui
impliquait le centrage sur le végétarisme, qui impliquait aussi je dirais, ça
c'est un autre point pour moi très fort émotionnellement, par la Veggie Pride,
j'avais le sentiment d'aller sur la place publique et de me déclarer moi en
tant qu'animal solidaire des autres animaux. C'est à dire, par rapport au fait
de se dire « nous notre problème de ne pas avoir de repas à la cantine, et
tout ça » tout ça c'est secondaire par rapport à ce que subissent les
animaux. Mais en disant, d'une certaine façon on se coupe des autres animaux.
C'est vrai qu'on ne subit pas le même sort qu'un cochon qui va être égorgé dans
un abattoir. Mais si on se dit que ça c'est un peu le hasard, on est né « être
humain », on a ce statut d'être humain mais que fondamentalement on est la
même chose, que le cochon qui est égorgé, c'est un peu comme si on m'égorgeait
moi. Dans ce cas là, il n'y a pas à faire cette distinction entre petites et
grandes oppressions. L'oppresion qui nous interdit de manger comme nous voulons
à la cantine, c'est la même oppression que celle qui tue le cochon, c'est le
même processus, c'est parcequ'on nous empeche de manger dans les cantines qu'on
empeche d'autres gens de ce dire végétariens, de refuser de tuer le cochon,
c'est la même oppression. Pour moi c'est la même oppression de la même façon
que quelqu'un qui colle des affiches pour une certaine cause, par exemple
contre un procès injustice qui a été fait à un noir, parce qu'il est noir, on
l'a condamné à mort ou quelque chose comme ça, Mumia, si il y a des fascistes
qui passent par là et qui commence à le tabasser, est-ce que cette personne va
dire : je ne vais pas me plaindre d'avoir été tabassée, j'ai beaucoup
moins souffert que Mumia qui est en prison et qui risque sa vie etc. et ben
non, c'est la même oppression que celle que subit le noir qui est condamné à
mort, même si c'est une oppression moindre, c'est la même substance, il n'y a
pas à la différencier. Protester contre la végéphobie, protester contre cette
oppression constante que subissent les végétariens, on l'entend tous les jours,
des gens qui dans leur famille n'ont pas le droit de devenir végétarien, de
gens qui se font taper dessus, c'est un phénomène général dans la société.
Protester contre cette végéphobie, même si les êtres humains qui en sont
victimes la subissent de façon beaucoup moindre que celle que subit le cochon,
je pense que c'est nécessaire, qu'il ne faut pas avoir honte de protester
contre ça. Le cochon dans l'abattoir, si on lui demande, est-ce que je dois
protester contre la végéphobie, je crois qu'il dirait « oui ».
« Oui, vous êtes des êtres humains, vous avez le droit de le faire, moi
j'ai aucun droit, vous êtes mes seuls porte-parole, il faut vous lever,
protester contre la végéphobie, faîtes savoir pourquoi vous êtes végétariens,
etc. » C'est à dire pas avoir honte de ça. Je pense que en tant que
végétarien on subit beaucoup cette végéphobie, l'idée qu'il ne faut pas
protester, finalement, c'est aussi une facilité pour nous.

Anne : Je crois qu'il y a plusieurs personnes qui ne ressentent pas la
végéphobie, j'aimerais bien qu'elles s'expriment.

Dominique : Moi je peux parler parce que c'est vrai
que j'ai jamais ressenti la végéphobie par contre ce qui m'énerve beaucoup
c'est les personnes auxquelles j'explique qu'il y a une inégalité , que
tous les êtres sensibles sont égaux, je connais certaines personnes qui me
disent : « mais nous on
a quelque chose de spécial », cela ils m'énervent, c'est des gens qui ont
des croyances qui croient malgré toutes les preuves que l'homme il a quelque
choses de plus que l'animal, c'est ça qui m'énerve en fait. Mais la végéphobie,
je ne l'ai jamais, c'est vrai, ressentie parce que en fait c'est peut-être un
peu par rapport à moi, on me brutalise et bien je leur rend le double, je sais
c'est pas bien, mais gentillement, pas mêchament. Par exemple, quand je suis
arrivée dans la société la où je travaille, tout le monde riait autour de la
table, c'était la grosse plainsanterie, parce que je ne mangeais pas de viande
etc, je leur ai passé la vidéo de la pmaf et bien le lendemain celui qui riait
le plus, il ne mangeait pas de
viande non plus. Faut des moyens pour de défendre.

Anne : Selon moi, l'aggression que tu as subie, pour
moi c'est ça la végéphobie.

Dominique : C'était de la végéphobie, mais on peut y
répondre et les gens comprennent. Par contre, quand j'essaye de faire
comprendre aux gens que les animaux ont les mêmes droits que nous, ils ne le
comprennent pas.

Sofiane : Donc c'était pas un rejet de l'alimentation,
mais un rejet des idées antispécistes.

Dominique : Tout à fait

Yves : Quand on a commencé à militer, on s'est adressé
aux gens de la défense animale, il y a environ 10 ans, et parmi eux il n'y
avait personne qui revendiquait son végétarisme. Et il y avait des végétariens
et végétariennes qui étaient une minorité et qui n'osaient pas en parler.
Maintenant, les choses changent. Mais on voyait bien qu'il y avait une pression.
C'était quelque chose qui était ridicule, qui était abordé avec beaucoup
d'hostilité, alors qu'on avait pensé que les gens de la défense animale
auraient été plus accueillants que le reste de la population. On s'est heurté à
de l'agressivité, à des menaces, etc. Et ensuite quand on s'est mis à parler
d'égalité, ça a redoublé. Quand on parlait d'égalité, on mettait simplement des
mots sur ce qui était implicite dans le mouvement végétarien. Parler du
végétarisme, c'est parler, pas nécessairement explicitement, mais parler des
intérêts des animaux, prendre au sérieux les intérêts des animaux, et ça c'est
un tabou fondamental. Les personnes qui s'occupent des chats des rues, par
exemple, sont des personnes qui se heurtent à une hostilité super forte de
la population,
qui s'en prennent plein la gueule en permanence. J'ai l'impression que ce
pourquoi elles s'en prennent plein la gueule, c'est parce qu'elles rompent un
tabou. Ce sont des animaux qui ne sont pas à elles, et donc quelque part elles
prouvent, elles manifestent que ces animaux-là leur importent pour eux-mêmes,
sans qu'ils leur appartiennent, et c'est rompre un tabou important. Et j'ai
l'impression que le végétarisme c'est pareil. On se heurte à une pression, et
le ridicule c'est la forme la plus habituelle. Quand on parle d'égalité
animale, on ne fait que mettre des mots sur ce qui heurte les gens dans le
végétarisme. Si on dit qu'on est végétarien pour notre santé, ou pour raisons
spirituelles ou pour le Tiers-Monde, on ne se heurte pas à de l'hostilité. Si
on dit que c'est par rapport aux animaux, on se heurte à de l'hostilité. A plus
ou moins d'hostilité, ça dépend comment on s'y prend, mais on se heurte à une
hostilité qui est quand même suffisante pour que par exemple les gens de la
défense animale n'aient pas osé en parler. L'immense ajorité qui se disent
végétariens disent que c'est pour des raisons de santé ou pour des raisons
spirituelles, ce qui semble peu gros... la première raison d'être végétarien ça
devrait être pour ceux qui sont dans l'assiette. Ca donne quand même
l'impression qu'il y a une sorte de processus général d'évitement de la
question.

Florence : Et c'est bien pour ça, à mon avis, qu'il faut
les mettre ces mots, il faut s'attaquer aux causes de ce rejet. Il faut dire
que c'est pour les animaux, et je trouve que ça n'apparaissait pas assez dans
les mots « Veggie Pride ».

Sofiane : Ca serait pas plus une antispéphobie qu'une
végéphobie ?

Florence : Dans mon esprit, je voyais ça plutôt comme une
manifestation antispéciste au départ. Maintenant, comme David l'a expliqué, je
comprends que c'est autre chose, mais à mon avis, c'est quand même ça qui
heurte, c'est cette notion d'égalité qui ne passe pas, et c'est ça qu'il
faudrait mettre en avant.

Sofiane : J'ai eu des échos le soir-même, des gens qui
étaient passés devant la Veggie Pride, qui ne savaient pas que j'étais
végétarien mais qui me connaissaient un peu, qui m'ont dit que les slogans
qu'ils avaient vus étaient choquants (ceux qui revendiquaient une égalité en
disant que la dignité humaine était égale à la dignité animale.

[27:51]