«Pour en finir avec l'idée d'humanité» - compte rendu de Pierre

Conférence par Yves Bonnardel

L'idée d'humanité fait obstacle à la prise en compte des intérêts des autres animaux. C'est l'incarnation que prend l'idéologie spéciste. C'est notre humanité qui nous donne de la valeur, à nous humains, et qui la retire aux autres.

L'idée d'humanité se développe à la Renaissance ; auparavant c'était la Chrétienté le groupe fondamental. Humanité = espèce mais aussi processus culturel (anthropologique). Au début être homo sapiens n'est pas suffisant, il faut aussi tout de même être homme, adulte, blanc, riche. La notion d'humanité se veut descriptive (homo sapiens), mais dans la pratique elle nécessite des critères supplémentaires de comportements. On peut en effet, paradoxalement, être plus ou moins humain. Certaines catégories sont exclues ou restent au second plan, reléguées dans la Nature (les femmes destinées à la procréation ; les colonisés « sauvages » ou les enfants, qui sont des humains en devenir devant accéder à la raison, à la civilisation, etc.).

La notion d'humanité s'est créée en opposition à l'animalité et à la Nature. Divise le monde entre eux et nous. Cela avait été noté par Armangaud, Derrida, Levi-Strauss, Burgat, etc.
Il est nécessaire d'attaquer frontalement cette division qui a des conséquences criminelles, empêchant de raisonner de manière éthique.
Rappel sur la notion d'égalité animale.

Au nom de l'antispécisme Yves critique la notion d'humanité. Selon qu'on soit reconnu humain ou pas, on se voit reconnaître des droits fondamentaux (vie, liberté, évitement de la torture) ou pas. Sont exclus :
- les non-humains
- jusqu'à une date récente, les handicapés mentaux, qui ont été tués par dizaines de milliers pendant la 2ème guerre mondiale (en France on ne leur fournissait pas des rations suffisantes).
- les criminels, qui ont failli à leur humanité, et qui de ce fait perdent leurs droits dans les prisons et subissent ce qu'on appelle des "traitements inhumains et dégradants".
Humanité est associé à des vertus morales, à l'égalité, à l'universalisme. En fait l'égalité dite humaine, comme son nom l'indique, n'existe que pour un groupe particulier privilégié ; c'est en fait un particularisme, un chauvinisme.

On est individualisé en tant qu'humains alors que les animaux sont vus comme des représentants indifférenciés d'une espèce.
En Grèce ancienne c'était la citoyenneté le critère. Les autres pouvaient être esclaves, ou étaient des métèques ayant moins de droits. Le processus qui a abouti à l'humanisme a vu l'inclusion progressive des groupes humains de plus en plus large, mais parallèlement, a connu un durcissement de l'exclusion des autres.

La notion de dignité correspond à une sorte d'honneur, c'en est la version démocratique. La critique antispéciste de l'humanité remet en cause cette dignité, fondée sur les propres de l'homme. Il n'y même pas toujours une gradation par exemple d'intelligence, avec l'intelligence humaine la plus aboutie. Mais plutôt des formes d'intelligence différentes selon espèces ou même individus. De toute façon l'intelligence n'est pas un critère éthique fondamental.
L'idée humain/humanité empêche de prendre en compte les intérêts concrets de chacun. Elle nous enjoint à respecter/prendre en compte l'humanité en chacun. Elle peut parfois aller à l'encontre des intérêts des humains eux-mêmes, par exemple en entraînant l'interdiction de l'euthanasie. Ou bien encore, on donne un droit sacré à la vie d'un embryon au détriment des intérêts réels des humains sentients...
Ces notions manquent de précision scientifique : humanité, animalité, nature... L'humanité est-elle définie par une forme d'intelligence, ou bien par une forme de génome ? Il s'agit d'un notion construite.
On peut imaginer un humanisme / spécisme soft avec les autres animaux comme frères inférieurs, mais on reste alors dans un cadre de pensée hiérarchique. Dans le passé, l'idée d'humanité a engendré une hiérarchie beaucoup plus terrible concernant les humains eux-mêmes : il y avait des sous-humains, et d'une certaine façon, des sur-humains... Ces termes signent le caractère hiérarchique de l'humanisme.
Nous devons saper cette idée d'humanité pour lui retirer son caractère d'évidence naturelle et mettre à jour son caractère construit et ses conséquences hiérarchiques et sanguinaires. Dans un monde égalitariste la notion d'humanité n'aurait quasiment plus aucune utilité, elle est liée à la domination spéciste.

Hélène : Je suis d'accord avec toi mais tu es athée, je voudrais introduire une réflexion religieuse dans les discussions suivantes. Exemple des sorcières, empathiques mais massacrées. D'où vient ce besoin de dominer ? Ça peut venir frustration énergie sexuelle au sens large (libido?). Éradication modes de vie plus ouverts. Considérations bi

Pierre : l'idée que la non scientificité de l'humanité, de la nature sape leur pertinence peut s'appliquer à la sentience, on n'a pas de théorie scientifique de la sentience ni moyen de tracer une frontière.

Yves : nos sys éthiques fonctionnaient sur groupe d'appartenance. L'égalitarisme implique que ce sont les intérêts qu'on doit prendre en compte et non pas tel ou tel groupe

David : le christianisme se voulait universel, tous les humains étaient appelés à devenir chrétiens. Chrétien n'était pas juste une identité parmi d'autres.

Yves : groupe dominant à la fois définition biologique et en même temps standing à tenir, on doit être à la hauteur de son groupe (il faut affirmer sa virilité). Alors que les groupes dominés n'ont pas cette obligation d'affirmer leur statut.

Marion : racisme envers les gens du voyage. Ou violence envers les enfants. Intéressant remise en cause de la « dignité ». À développer.