Ophélie Véron - Le véganisme : résistance et quotidienneté

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Résumé de la présentation

Qu’est-ce qui distingue le véganisme des mouvements sociaux dits « classiques » ? Dans mon intervention, j’analyserai cette question sous deux aspects : (1) le véganisme investit d’autres espaces que ceux où militent les mouvements de résistance traditionnels ; (2) ses pratiques ne constituent pas simplement des moments de rupture, mais proposent une alternative à la vie de tous les jours : en ce sens, le véganisme est essentiellement un mouvement de la quotidienneté.

Le véganisme se définit fondamentalement comme mouvement de résistance à l’idéologie spéciste. Pourtant, à l’inverse des mouvements de résistance traditionnels, qui font de la rue leur terrain d’expression favori, le mouvement végane occupe une pluralité d’espaces, qui sont autant physiques que virtuels et politiques. J’analyserai, dans un premier temps, la nature de ces espaces qui constituent le champ d’action du véganisme.

Un second aspect, plus fondamental, réside dans la nature même des pratiques de résistance véganes : tandis que les actions des mouvements sociaux traditionnels s’inscrivent comme des moments de rupture de la vie de tous les jours et sont marqués par leur caractère « extra-ordinaire », le véganisme est un mouvement du quotidien. Je m’appuierai ici sur la théorie d’Henri Lefebvre sur la production de l’espace pour étudier cette dimension quotidienne. À l’aide de ma pratique de recherche militante au sein des mouvements véganes parisiens (méthodes socio-ethnographiques, observation participante, interviews et questionnaires d’enquête), j’argumenterai que la quotidienneté est un élément moteur des actions véganes. Même lorsque ces dernières ont recours à des formes traditionnelles de résistance, notamment l’occupation de l’espace public par des manifestations ou des happenings (Vegan Places, pique-niques, marches, etc.), leur objectif premier réside dans la transformation de la vie quotidienne par la mise en place de pratiques de consommation alternative. J’utiliserai les travaux de Michel de Certeau, notamment sa notion de « tactique », pour explorer les diverses façons dont les activistes véganes contestent ou subvertissent l’idéologie spéciste au quotidien. Je me concentrerai en particulier sur les traces de ces actions de transgression dans l’espace public, à l’exemple des graffitis et des autocollants.

C’est à travers ces diverses pratiques de résistance aux représentations dominantes que le mouvement végane crée des espaces de subversion : non seulement – pour reprendre la terminologie foucaldienne – des hétérotopies (ou « contre-espaces »), où les militants véganes défient l’hégémonie spéciste, mais aussi ce que je nomme des hémérotopies, des espaces de quotidien partagé où ils élaborent, avec la participation du public, de nouvelles représentations et de nouveaux modes de vie. Je conclurai sur la force de cette particularité : le véganisme, mouvement inclusif, n’est pas fondé uniquement sur sa capacité à dire « non », mais tire son pouvoir de son invitation à dire « oui » différemment.

Mots-clefs : résistance, idéologie, représentations, espace public, spécisme, véganisme.

Éléments biographiques

Ancienne élève de l’École Normale Supérieure et enseignante à Sciences Po Paris, Ophélie Véron a soutenu son doctorat en géographie politique en 2014 à Londres. Spécialiste en géographie radicale et théorie critique, elle travaille sur la question des rapports de domination, d’hégémonie et de résistance. Ses recherches actuelles portent sur le véganisme comme mouvement social et la construction de l’idéologie spéciste. Elle anime par ailleurs le blog de réflexion végane Antigone XXI depuis trois ans.