L'évolution de la notion d'instinct

Jeudi 21 août matin

Intervention par Jenny Litzelmann, doctorante statutaire de l'IHPST, et débat

Présentation

Si l'on est plus ou moins tous d'accord pour opposer, de façon générale, l'«instinctif» au «réfléchi», au «rationnel», et ce peu importe l'époque, il va également de soi que la notion d'instinct a de multiples facettes et a joué de nombreux rôles dans l'Histoire.

C'est tout d'abord une notion métaphysique: l'instinct est une énergie, une force, une impulsion incontrôlable, un élan vital qui se manifeste dans chaque être vivant et qui le pousse à persévérer dans son être.

L'instinct a aussi été un puissant outil idéologique: il a pu être magnifié (comme chez Nietzsche par exemple, où il est synonyme de Génie), l'instinct étant ce par quoi l'on est au plus près de l'essence de la vie, toute rationalisation ne pouvant être que le pâle et froid reflet de ce qui est intensément vécu dans l'instinct. À l'inverse, il a aussi été considéré comme la part la plus méprisable d'un comportement, quand un homme ne sait pas dominer ses instincts par l'intelligence, quand il se comporte alors comme un animal... L'instinct a bien sûr été l'élément principal, pendant des siècles, de la distinction homme/animal, ou, ce qui est similaire, de la distinction en l'homme de ce qui est proprement humain et ce qui est bestial, de ce qui est culturel et ce qui est naturel, de ce qui est bien et ce qui est mal...

C'est Konrad Lorenz, fondateur de l'éthologie classique au vingtième siècle, qui a porté un coup presque fatal à cet aspect idéologique de l'instinct, en en faisant la composante innée du comportement, également partagée par les animaux et les hommes.

Peut-on dire pour autant que la notion d'instinct a aujourd'hui un véritable statut scientifique?