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«Faut-il promouvoir le véganisme? Mode de vie et action politique»
Dimanche 16 août matin
Discussion collective introduite par Cécile Bourgain
Présentation
Le terme « vegan » prend de plus en plus d'ampleur dans le mouvement animaliste. Ce mot est partout, pour désigner un mode de vie idéal à promouvoir, un objet ou un aliment, et même les personnes ayant adopté ce mode de vie.
Il est temps de s'interroger sur l'opportunité de cette omniprésence : est-elle une stratégie efficace pour promouvoir les droits des animaux ?
La promotion d'un mode de vie individuel ne risque t-elle pas de masquer la dimension politique de la lutte animaliste ? La tendance identitaire du véganisme comporte t-elle des avantages, présente-elle des risques de dérives ? La notion sous-jacente de pureté associées au véganisme peut-elle poser problème ?
Dans l'optique de la libération animale, il serait utile de déterminer dans quelle mesure nous pouvons utiliser le terme « vegan », sans masquer les questions politiques ni tomber dans un rigorisme inefficace voire dangereux.
Compte-rendu
Après avoir énuméré divers avantages à la promotion du veganisme comme le côté pratique d'avoir un mot qui résume des pratiques personnelles, l'universalité du mot, le fait qu'il soit moderne, identitaire (ce qui peut donner envie à diverses personnes de faire partie du groupe) et finalement qu'il implique le refus d'être contraint de manger des produits animaux, même cachés, Cécile a souligné les dérives du penchant communautaire : l'effet sectaire d'une communauté qui rejette les autres, l'enfermement que peut représenter l'identification, le fait que mettre l'accent sur l'aspect individuel du veganisme élude l'aspect politique, l'aspect presque religieux du produit vegan (comme les produits hallal ou casher), la pureté, associée à l'extrême-droite, et enfin la hiérarchie du plus ou moins vegan menant à une escalade du purisme. Elle a également cité plusieurs extraits de deux textes : « A propos de la pureté » de Françoise Blanchon et « Diffuser le mode de vie vegan : une critique » d'Antonella Corabi.
La discussion qui a suivie portait sur les questions suivantes : Faut-il insister sur le comportement individuel lors de discussions sur la condition animale ? Dans une entreprise de boycott, quand commence l'action politique, quand commence le choix personnel ?
Durant deux heures, nous avons eu certaines réflexions :
- la distinction entre le consommateur et le citoyen, l'individuel et le collectif, le personnel et le politique ;
- la culpabilisation du végétarien plutôt que la reconnaissance du pas qui est fait pour arrêter la viande ;
- le style de vie mis en lumière fait de l'ombre à l'action politique ;
- le côté identitaire peut quand même aider les gens pour se regrouper ;
- la mention de « niches écologiques » (niches sociales) reconnues qui facilitent la vie du consommateur mais l'enlisent dans une posture passive. Exemple du Canada où KFC vend du « poulet » vegan mais où la question animale est finalement peu évoquée. Chaque « mode de vie » est ainsi amené à cohabiter avec les autres modes de vie (mode de vie végan avec mode de vie omnivore, etc.) dans un rapport de « tolérance » réciproque, et l'exigence d'un changement de société qui s'adresse à tous passe à la trappe ;
- le parallèle avec l'esclavage : la lutte contre l'esclavage des Noirs n'a pas consisté à demander à chaque propriétaire d'esclave s'il souhaitait renoncer à ses esclaves et boycotter tous les produits issus du système esclavagiste, mais plutôt à imposer sur la place publique la discussion sur le bien-fondé de l'esclavage et son abolition politique, collective ;
- le terrorisme de la pureté, l'escalade de la pureté personnelle ;
- le fait de se couper d'autres militants animalistes en s'opposant à toutes les initiatives qui ne prônent pas directement le veganisme (Veggie Pride, Abolition de la viande...) et en niant la réalité des motivations des végétariens en les accusant d'hypocrisie ;
- l'importance de faire connaître le végétarisme et le végétalisme puisque toutes les luttes ont besoin de s'appuyer sur des pratiques concrètes (parallèle avec les luttes anticapitalistes qui devront s'appuyer aussi sur des initiatives concrètes comme des espaces collectifs autogérés qui fonctionnent en l'état). Les communautés sont des bases arrières intéressantes pour toute lutte sociale ;
- la dépolitisation nous isole, se définir comme antispéciste ou égalitariste est plus pertinent ;
- la Veggie Pride n'est pas une manifestation identitaire, il faut sortir de cette distinction « bien mal » et poser le problème collectivement, « je lutte pour ne plus avoir à me définir végétarien » ;
- la dimension plus politique que revêt la présentation de soi comme « antispéciste » ou comme « militant des droits des animaux », plutôt que comme « vegan » : de l'intérêt de mettre en avant un projet politique plutôt qu'un mode de vie ;
- le fait que le veganisme n'est pas à la portée de tous actuellement (il est plus facile à mettre en œuvre quand on est célibataire, en bonne santé, etc.) ;
- la dimension symbolique forte du « simple » végétarisme (refus de tuer les animaux pour les manger : refus du meurtre) ;
- le fait que le mot est très connu aux États-Unis et que certaines personnes deviennent directement vegan (sans passer par le végétarisme) ;
La discussion a été souvent dévoyée par des tours de parole non respectés malgré la vigilance de Cécile, un temps de parole parfois monopolisé par des participants et l'évocation d'anecdotes hors-sujet.